Magnus Malefoy - Knowledge is the greatest weapon

Magnus grimaça. Pourquoi semblait-il si difficile pour tout un chacun de respecter le classement des livres de sa précieuse bibliothèque ? Ce n'était pas compliqué, il suffisait de lire l'étiquette et de mettre l'ouvrage à l'endroit approprié. Mais non, c'était beaucoup plus simple de le remettre n'importe où. Ou de le laisser sur une table. Ou de le placer au sommet d'une étagère. Ha ha. Hilarant.

Un "Accio" lui permit de récupérer l'ouvrage sans grande difficulté. Il souffla dessus, chassant la poussière qui s'était accumulée, vérifiant qu'il n'avait pas été abîmé. Heureusement, cela ne semblait pas être le cas. Stupides élèves. Incapables de réaliser à quel point ces ouvrages étaient précieux, des témoignages intemporels de la connaissance humaine. Ils les traitaient comme des vulgaires magazines. Pfeuh.

Pourtant, malgré ses grommellements, Magnus ne regrettait pas une seule seconde d'occuper la place qui était actuellement la sienne. Au milieu des livres, le sorcier était roi, maître en son repaire, seigneur de son antre. Il ne s'était jamais senti plus à l'aise qu'entouré d'ouvrages, qui n'attendaient que d'être ouverts pour partager leur savoir.

Il aurait pu les détester, ces livres qu'il avait passé toute sa jeunesse à lire, lire et relire pour retenir leur contenu, pour devenir le meilleur élève de Poudlard, prouver sa valeur à sa mère et à sa fratrie qui ne lui accordaient jamais le moindre regard, sinon pour le moquer ou l'humilier. Il était le Nain de la famille Malefoy, qui se targuait de sa pureté de sang, de la perfection de sa lignée. Il était une tache au coeur de l'arbre généalogique si admirable des Malefoy, qui aurait volontiers été effacée s'il n'avait pas bénéficié de la protection de son père.

Magnus n'avait jamais compris pourquoi son paternel, celui-là même qui portait originellement le nom des Malefoy, marié à une Sang-Pur Irlandaise, lui vouait une telle affection. Il était le seul à le regarder avec amour, à l'introduire sans une once d'hésitation ni de honte comme son fils, à lui accorder la fierté qu'il cherchait désespérément de la part du reste de sa famille. Le seul.

Magnus avait travaillé, travaillé, travaillé. Il pensait que sa mère et sa fratrie finiraient par l'accepter s'il leur prouvait sa valeur en tant que sorcier, sa puissance, s'il ne se contentait pas d'être bon, mais exceptionnel. Un tel niveau requiérait des sacrifices. Magnus n'eut pas d'enfance. Pas d'amis. Pas de loisirs. Rien que le travail. Et les livres. Il avait passé des nuits entières sur ses dissertations, négligeant sa santé, ne se satisfaisant que de ses notes optimales. Des heures à répéter les mêmes mouvements de baguette, encore et encore, jusqu'à ne plus pouvoir bouger le poignet.

Et son travail avait payé. Il était devenu le Major de sa promotion, celui qui avait obtenu les meilleures notes aux ASPICs, qui s'était distingué de ses pairs par son travail acharné et son intelligence fine. Un résultat qui ne lui avait pas même valu le moindre mot de félicitations de sa mère. Ni un regard approbateur. Rien. Juste une demande : qu'il se dépêche de trouver un travail pour quitter leur manoir.

C'était là que Magnus avait compris. Il aurait pu devenir Ministère de la Magie que ses frères et soeurs et sa mère n'auraient pas même daigné le reconnaître en tant que l'un des leurs. Il était trop différent. Trop éloigné de la conception de la perfection des Malefoy. Toutes les punitions, les maltraitances, les humiliations qu'il avait subi n'avaient pas suffi à lui faire renoncer à cette reconnaissance. Mais ça... Ce dédain devant son enfance et son adolescence sacrifiées à l'autel de la réussite... Cela avait été la goutte d'eau qui avait fait déborder le vase.

Il avait cessé de chercher leur approbation. Abandonné l'idée d'occuper un poste d'élite au Ministère de la Magie. Cela ne l'avait jamais intéressé. Il avait simplement voulu s'attirer leurs faveurs et il espérait que cela aurait suffi. Ce qui intéressait vraiment Magnus, c'était les livres. Les secrets qu'il renfermait. La magie qui émanait de leurs mots.

Il avait d'abord travaillé à Fleury & Botts quelques années, avant de profiter de la fortune familiale pour se lancer dans un véritable tour du monde, à la recherche d'ouvrages à la valeur inestimable, que ce soit d'un point de vue pécunier ou culturel. Il avait établi sa propre richesse en risquant sa vie, déterrant de cachettes séculaires ou millénaires des parchemins et autres ouvrages que l'on croyait perdus à jamais. Il s'était attelé à leur lecture, à leur traduction, sachant les confier à ceux qui pourraient contenir leurs éventuelles malédictions, leur magie, le pouvoir du savoir qu'ils possédaient.

Il était devenu une référence dans le monde magique, celui vers qui on se tournait pour retrouver tel ou tel ouvrage ou pour évaluer la valeur d'un ouvrage, d'un point de vue magique ou monétaire. L'Erudit Malefoy. Il s'introduisait toujours par son nom de famille, veillant à ce qu'il ne soit jamais oublié lorsqu'on citait ses travaux et ses accomplissements. Il voulait que tout le monde se rappelle de l'héritier Malefoy que sa mère avait désespérément tenté de faire oublier. Que jamais ils ne l'effacent de l'Histoire, avec un grand H.

Magnus avait mené une vie enrichissante, mais solitaire. Les années passant, il avait réalisé qu'il ne s'était jamais vraiment libéré de l'abus de sa mère et de sa fratrie. Que, même s'il n'avait plus cherché à s'attirer leurs faveurs, il avait passé le reste de sa vie à tout faire pour les humilier à leur tour par ses exploits, ses accomplissements et leur nom définitivement rattaché à "l'être difforme", selon les propres mots de sa mère, de la famille.

Magnus n'avait jamais appris à vivre pour lui-même. Il était temps qu'il le fasse. Il abandonna ses explorations atrocement dangereuses, son travail qui occupait tout son temps, ses traductions alambiquées et postula pour un poste plus simple, qui lui permettrait d'avoir plus de temps libre, une liberté qu'il n'avait jamais connue : le poste de bibliothécaire à la nouvelle Université magique d'Ardfry, ouverte en 2018. Il l'avait rejointe dès son ouverture et ne l'avait plus quittée depuis.

Bien qu'il accepte d'offrir de temps à autre son expertise pour contenir la Source, il s'est refusé à travailler à temps plein sur le sujet. A 46 ans, il était temps qu'il s'accorde le droit de vivre pour lui, sans avoir à répondre aux attentes d'autrui...