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 Dessiner suspend la pensée. (Kieran&Isaak)

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Tormaigh
Kieran Rutherford
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Tormaigh

MessageSujet: Dessiner suspend la pensée. (Kieran&Isaak)   Dessiner suspend la pensée. (Kieran&Isaak) EmptyJeu 3 Oct - 19:45

Dessiner suspend la pensée
Kieran & Isaak


Il s’était réveillé dans le lit d’Isaak, ce matin. Un peu comme d’habitude. Le voyant faisait de sales rêves, et en dix ans de relation, le loup avait appris à se réveiller avant que le rêve ne vire au cauchemar et se créer une petite place dans son lit pour qu’il ne se réveille pas en hurlant. Dans son sommeil, Isaak lui avait fait une place, rodé par l’habitude, et s’était blotti contre lui, sa respiration se calmant doucement pendant que l’aura protectrice du loup l’enveloppait. Les autres occupants de la chambre n’avaient rien dit. Après tout, ils étaient en couple, et à vingt-cinq ans, après huit ans de vie commune, difficile pour eux d’avoir à nouveau chacun son lit.

Il n’avait posé aucune question sur son rêve, du moins, pas dès le matin au petit-déjeuner. Il s’était contenté de parler de tout et de rien, des cours, de la nourriture anglaise bizarre, du manque de vodka avec ces céréales même pas ultra desséchées d’avoir passé trois mois dans le fond du paquet, bref d’un peu tout et rien pour lui arracher un sourire et le tirer de ses mornes réflexions. Ça n’avait pas vraiment marché, même s’il avait continué à monopoliser la parole pour ne pas laisser son homme s’enfermer dans son silence morose. Alors il l’avait laissé partir à ses cours, non sans lui faire un rapide bisou sur la joue. On ne plaisante pas avec l’amour ici.

La journée était passée lentement, et le soir avait fini par venir. Mains dans les poches, il avait tracé son petit chemin jusqu’au deuxième étage, où tous les étudiants dormaient. Ça lui faisait bizarre, de devoir partager son espace vital avec les autres. Depuis sa sortie d’Ilvermorny, il ne l’avait partagé avec personne d’autre que son petit ami. Entre eux deux, l’adaptation avait été facile. Mais ici ? Non seulement il partageait une chambre avec deux autres personnes - sans compter Isaak - mais les pièces à vivre étaient communes. Les douches et toilettes, le grand salon, tout était commun. Trop bizarre. Pour un loup solitaire habitué à partager son petit appartement de Castro Dictrict avec une seule et même personne, deux parfois quand sa mère passait, c’était dépaysant - et pas dans le bon sens du terme, malheureusement.

Quelques regards se tournèrent vers lui quand il entra. Il savait très bien pourquoi, l’américain. Loup-garou. Les gens comme lui se cachent, ont honte, font tout pour ne pas se faire remarquer. Lui s’était imposé dès le premier jour en s’installant dans une chambre et en disant que ceux que ça gênaient de faire chambre commune avec un loup feraient mieux de ne pas rester avec lui. La rumeur s’était répandue comme une traînée de poudre, et maintenant, beaucoup savaient. Et il s’en foutait complètement. Actuellement, son regard glacial cherchait une personne bien spécifique. Trouvée. Il était occupé à dessiner - comme d’habitude après ses visions - et était plongé dans son œuvre. Kieran savait comment il était, quand il dessinait. Le déranger c’était prendre le risque qu’il devienne brutal pour avoir la paix. Heureusement que nous, on sait y faire, hein mon frère ? Ses mains sortirent de ses poches, et il s’installa doucement derrière le voyant, veillant à ne pas le faire bouger pour ne pas le mettre de mauvaise humeur.

« Bonsoir toi, murmura-t-il doucement en refermant ses bras autour d’Isaak sans toutefois bloquer les siens, histoire qu’il puisse continuer à dessiner. On ne s’est pas beaucoup vus, aujourd’hui, un comble malgré nos neuf cours en commun. Tu sais que tu m’as manqué ? ♡ »

Normalement, il aurait ajouté des sous-entendus ou quelques tacles dans sa phrase. Mais pas ce soir. A la place, il resserra avec douceur son emprise - dont il pouvait très bien se dégager s’il le voulait - et après lui avoir doucement embrassé le cou, il y cala sa tête et, sans réfléchir, soupira doucement d’aise. Il était bien, là. Même malgré toutes les galères qu’il avait traversé, il avait son Isaak. Il avait bataillé un an entier pour l’avoir, mais ça valait le coup. Ça faisait quand même dix ans qu’ils étaient ensemble maintenant. Il aurait bien parlé mariage, le loup-garou, mais ils n’avaient pas de situation financière stable, et maintenant qu’ils avaient repris leurs études en Irlande, ce n’était plus le moment d’y songer. Dans trois ans, mon frère. Quand ils quitteraient l’Irlande avec leurs diplômes, et surtout, quand le sujet ne ferait plus autant peur à son âme sœur.

Le regard bleuâtre de l’homme-loup tomba sur le dessin d’Isaak. Très joli. Comme d’habitude. Mais incompréhensible pour un néophyte. Il n’avait pas de visions, Kieran, il ne comprenait donc pas ce que ces lignes et traits signifiaient. Une bonne chose ? Une mauvaise chose ? Ça avait l’air de beaucoup le travailler, en tout cas. Ça se sentait à la tension de son corps, à l’intensité de son regard, à son crayon qui glissait sur la feuille sans se relever et sans marquer d’hésitation. Quelque chose qui fait peur, peut-être ? Par réflexe, l'humain lâcha la bride au loup, qui les enveloppa de son aura rassurante et protectrice, pour essayer de calmer son homme, qu'il sentit se détendre imperceptiblement. Isaak n’aimait pas trop parler de ses visions, et l’homme-loup était habitué à lui tirer les vers du nez, surtout après ces moments où il se réveillait en hurlant la nuit après une vision trop cauchemardesque - qui, heureusement, semblait ne jamais se réaliser. Finalement, l’une de ses mains se tendit, pour se saisir doucement de celle, libre, du dessinateur.

« Il m’a l’air très sombre, ton dessin. Léger silence. Tu veux en parler ? »

Sa main pressa celle d’Isaak avec une tendresse qu’au premier abord, on ne lui aurait pas soupçonnée. Je suis là, mon cœur. N’aie pas peur.

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Kieran Rutherford
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MessageSujet: Re: Dessiner suspend la pensée. (Kieran&Isaak)   Dessiner suspend la pensée. (Kieran&Isaak) EmptyJeu 3 Oct - 21:12

Parfois, il se demandait si cela cesserait du jour au lendemain. Si cela partirait comme c’était venu. S’il pourrait fermer les yeux sans plus rien voir du reste de sa vie et simplement dormir, profondément, dans le creux de ses bras, corps contre corps. Mais au vu de la présence dans son lit, cette nuit n’avait pas été la première d’une longue série de sommeil paisible. Non, cela avait dû être une nuit d’agitation. Et presque de cri, au goût métallique qui lui semblait traîner en bouche. Il aimerait dire qu’il ne se souvenait de rien, d’absolument rien, ni maintenant, ni jamais. Mais il fallait que le futur le tourmente et prenne possession de son âme jusqu’à résolution.

A nuit cauchemardesque, matinée maussade. Il avait bien tenté de décrocher quelques sourires solaires mais ceux-ci lui parurent bien faibles – alors, il n’osait imaginer pour son loup. Piètre performance peu convaincante, Isaak ne pourrait le convaincre que le rêve était sans importance. Même l’évocation des mythiques céréales-vodka des fins de mois sans motivation à Chicago ne chassa de son esprit les images torturées et nébuleuses. Puis vint l’heure des adieux et des rapides embrassades puisque le devoir les appelait. La douce sensation sur sa joue l’accompagna jusqu’à la première salle.

Ça s’enchainait et, si sa présence physique était certaine, sa présence mentale beaucoup moins. Prises de notes, monologues, réflexions philosophiques lui échappant totalement. Les couloirs, les salles et les professeurs défilaient sous ses yeux sans enchaînement logique. Ses doigts le travaillaient, terriblement. Il n’avait aucune envie de formé des mots, de tracer des lettres destinées à des études approfondies les soirs-mêmes. Mais l’artiste se retenait, se bridait. Il n’était pas là pour traîner dans le fond des classes, à donner vie à des scènes quotidiennes sous un autre format, à capturer l’instant présent tout en écoutant distraitement. Il était là pour trois années. Trois longues années pour offrir à celui qui partageait sa vie un certain confort de vie, si les autorités refusaient une énième fois sa candidature avec un prétexte des plus légers. Le laisser se consacrer à ses recherches en tout liberté, en toute tranquillité.

Cela s’acheva enfin et il rejoignit dans un mouvement de foule les salles communes. Kieran finirait plus tard. Un regard circulaire lui confirmait ses pensées : rien ne le distrairait plus que le dessin. Direction les dortoirs, prendre le matériel manquant et le châle bleu de sa mère, qui couvrirait ses épaules en attendant une autre présence réconfortante. Un coup d’œil vers son – leur – lit encore défait lui donnerait presque l’envie d’y plonger et de l’y attendre, pour un temps calme infini – l’un à bouquiner, l’autre à finir sa nuit. Mais il savait pertinemment que tant qu’il ne les aurait pas couchées sur du papier, les visions nocturnes se colleraient à ses paupières et se joueraient chaque soir comme un mauvais film. Un des canapés près du feu de cheminée était libre. C’était l’endroit parfait pour s’évader loin de la réalité.

Il ne savait depuis combien de temps son crayon bougeait machinalement lorsque des bras l’entourèrent sans le gêner. S’il n’avait reconnu la douceur du geste, sa langue furibonde aurait claqué contre son palais, le crayon aurait rejoint la surface griffonnée et les mains se seraient activées dans des gestes brusques pour dégager la nuisance. Bien que la tension dans son corps restait perspectible, ses lèvres s’étirèrent et ses yeux sombres s’illuminèrent. Enfin.
« 9 cours en commun, vraiment ? Et ils les ont tous casés sur la même journée pour me priver du plaisir de ta présence le reste du temps ? » questionna-t-il de ce ton chaleureux dont il avait manqué ce matin. Avant de complétement se relâcher dans l’emprise et de laisser sa tête s’effondrer sur celle de son compagnon. Le soupir lui parvint aux oreilles et fait exploser son sourire. C’étaient ces petits gestes qu’il avait raté à l’époque et qu’il chérissait désormais.

Lorsque la main aimée saisit la sienne, il sut de suite que le jeune homme avait vu le dessin étalé devant eux. Parfois, Isaak aimerait être plus réactif, jeter avec discrétion une autre feuille barbouillée de mille croquis afin de dissimuler l’œuvre tourmentée. Mais pour cela, il fallait s’apercevoir de sa présence avant de la sentir. Ce n’était pas qu’il voulait à tout prix lui cacher quoique ce soit. C’était surtout qu’il ne voulait pas l’inquiéter plus qu’outre mesure. Sombre ? Oui, sans aucun doute. ‘’Rien de bon’’ étaient les premiers mots qui lui étaient venus au réveil. Mais en parler ?

Il lâcha la main et son crayon dans l’unique but de pouvoir se retourner, attraper des deux mains le visage connu dans ses moindres détails et poser avec délicatesse ses lèvres contre les siennes pour en tirer un baiser voluptueux. Réconfortant. Qui lui donnait des papillons dans le ventre comme le premier, à cette fête pour la fin des examens de 5ème.

« Et si tu me racontais ta journée plutôt ? » tenta-t-il. Détourner la conversation, même si elle y reviendrait certainement, comme sa main cherchant déjà le crayon abandonné.  Il n’avait pas fini. Il sentait qu’il manquait quelques détails qui pourraient avoir leur importance. Ensuite, il le classerait avec les autres dans leur pochette dédiée. Sans rien y faire. « Ce n’est rien, tu sais. Cela ne se réalisera sûrement pas, ou trop loin pour que je le sache, de toute manière. Alors raconte moi plutôt cette horrible et longue journée si loin de ma divine présence ? » Sans doute avait-il senti le regard dardé dans son dos. Sans doute retardait-il l’échéance. Sans aucun doute, il finirait pas lâcher le morceau.
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MessageSujet: Re: Dessiner suspend la pensée. (Kieran&Isaak)   Dessiner suspend la pensée. (Kieran&Isaak) EmptyVen 4 Oct - 15:04

Dessiner suspend la pensée
Kieran & Isaak


Dans ses bras, il sentait Isaak se détendre doucement. Enfin. Il était temps. Il était tellement en tension, tellement concentré sur son dessin, qu’on aurait dit un élastique sur le point de rompre. Ça le surprenait presque d’être le seul à voir ça. Presque. mais un loup-garou en phase avec lui-même détecte plus facilement ce genre de choses, surtout quand il s’agissait d’une personne connue depuis quatorze ans - et aimée depuis dix ans. Son soupir d’aise tire un sourire lumineux à l’artiste, sourire repris plus faiblement par l’homme-loup qui ferme brièvement les yeux. Il est bien, là. Isaak reprend la parole cependant, alors il rouvre les yeux, appréciant de sentir les modulations de sa voix contre son oreille. Neuf cours, et aucun en commun aujourd’hui. Kieran esquissa un léger sourire taquin avant de reprendre doucement la parole.

« Ouais, neuf. J'ai failli dire huit, j'oublie tout le temps l'astronomie. Mais qui pourrait m’en vouloir ? C’est tellement inutile, et inintéressant. La provocation se lit dans ses paroles ; il attend juste qu’Isaak s’en défende, puisque l’astronomie est, de loin, sa matière préférée de leurs cours en commun. Franchement, en quoi les planètes peuvent avoir une influence sur les êtres vivants ? C’est ridicule. »

Le rire du loup roule dans sa gorge comme un léger grondement que le jeune artiste peut clairement percevoir. Les planètes, avoir une influence sur les êtres vivants ? Tu imagines, mon frère, des gens qui se transformeraient parce que la lune est pleine ? Oui, absolument ridicule. Doucement, sa main se tend pour attraper celle, libre, d’Isaak, qui n’a pas lâché son dessin. Un dessin pour le moins sombre, que l’homme-loup qualifierait d’inquiétant. Non pas à cause des couleurs, mais à cause de la tension d’Isaak qui ne disparaît pas, malgré les efforts qu’il déploie pour ne pas l’inquiéter. Mais cacher des choses à un loup-garou, c’est dur. Il peut sourire et se détendre autant qu’il veut, c’est en entrant dans la pièce que Kieran avait compris que ce n’était pas qu’un cauchemar. Alors Kieran se lance. Voulait-il en parler ? Le crayon cessa sa danse sur le papier déjà noirci, juste le temps pour que l’homme-loup comprenne qu’il n’avait pas envie d’en parler.

Avant qu’il ne puisse changer subtilement de sujet, Isaak s’était dégagé sans peine pour se tourner vers lui. La glace de l’un attrapa l’ébène de l’autre, juste avant que les mains du voyant ne glissent sur ses joues et qu’il ne se rapproche pour l’embrasser. Dans un réflexe rodé par la force de l’habitude, ce fut au tour de l’homme-loup de lever les mains pour les poser à son tour sur ses joues et l’embrasser avec tout autant de délicatesse rassurante. Il faisait clairement ça pour détourner le sujet, pour ne plus parler des visions qu’il avait, mais Kieran était trop amoureux pour passer à côté. Papillons dans le ventre, comme au premier jour ; ça faisait sans doute partie des joies d’être un loup. La routine ne s’installait pas. Chaque jour avec Isaak était comme le premier, et il ressentait toujours ce même attachement très fort, qu’il avait ressenti, adolescent, et ce même dix ans après.

Et comme il s’y attendait, Isaak changea maladroitement de sujet, lui demandant de parler de sa journée, tentant de justifier sa fuite en disant que ce n’était rien. Mais ce n’est jamais rien avec toi, mon cœur. Comme les autres, ça ne se réaliserait pas, ou dans trop longtemps pour qu’il puisse faire quoi que ce soit, alors pourquoi s’en faire pour ça ? Parce que ça t’inquiète, alors ça nous inquiète aussi. Parce qu’on voit la peur dans tes yeux et qu’on sent la frayeur dans ton souffle quand tu te serres contre nous la nuit. Il garda le silence, ne pouvant cependant qu’approuver la sagesse du loup, et ressentir, avec une certaine inquiétude, la main qui glissait pour chercher machinalement le crayon, tombé quelque part. Isaak n’osait pas baisser la tête pour le chercher des yeux, pour ne pas donner raison à Kieran, et pour ne pas lui montrer que si, c’était important.

« J’ai eu histoire de la magie, lâcha-t-il en rendant les armes - temporairement, cela va de soi. C’était assez intéressant, et plus complet que ce qu’on a pu apprendre en sept ans à Ilvermorny. Sa main attrapa le crayon qui avait glissé entre eux, et il le fit tourner entre ses doigts sans s’en cacher. C’est ça que tu cherches, peut-être ? Taquin, il le fit tourner une fois de plus, avant de le lui tendre pour qu’il le récupère. Mais il était clair que le loup avait bien compris le manège, et qu’au final, Isaak n’y échapperait pas. Après, j’ai eu histoire des moldus. C’est vraiment une matière qui manque chez les sorciers ; les sangs-purs étaient tellement largués, c’était marrant à voir. Puis la géologie… Ouais, c'est de la géologie quoi, rien de bien transcendant. »

Tandis qu’il parlait, Isaak se réinstalla pour retourner à son dessin, seule chose qui, pour le moment, l’intéressait vraiment. Kieran n’était même pas sûr que son camarade l’ait écouté parler, en vérité. Il ne s’en formalisait pas. Chaque couple avait son temps, et actuellement, c’était à lui de s’accorder sur le temps de son artiste, tout comme Isaak s’accordait sur le temps du loup les veilles de pleine lune, quand Kieran devenait irritable, agressif, qu’un rien pouvait le faire exploser, et que le voyant tentait de le tempérer pour ne pas payer les pots cassés. Kieran savait qu’Isaak finirait par parler de sa vision. Quand il aurait fini son dessin, quand il se sentirait plus en confiance, quand il ne se sentirait pas pressé, obligé de le faire. Bref, quand il serait rassuré. Alors autant commencer maintenant. Sans trop réfléchir, il glissa ses doigts dans les cheveux noirs de son camarade, sachant pertinemment que ce simple contact l’apaisait presque immédiatement. L’important était de ne pas le presser. D’accepter qu’il aille à son rythme, surtout quand il s’agissait de choses aussi personnelles que ses visions.

« Et toi, alors, ta journée ? Philosophie sorcière, philosophie moldue, éloquence ? Divination, peut-être ? Tu as dû pas mal t’ennuyer, non ? »

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Kieran Rutherford
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MessageSujet: Re: Dessiner suspend la pensée. (Kieran&Isaak)   Dessiner suspend la pensée. (Kieran&Isaak) EmptySam 5 Oct - 22:31

Les yeux se levèrent au ciel. Bien sûr que si, c’était très intéressant l’Astronomie. Le balai céleste avait quelque chose de fascinant à ses yeux. Il ne croyait pas à leur influence sur la vie des êtres humains – hormis ceux touchés par la lycanthropie. C’étaient des bobards de vieilles mégères qui avaient de croire en un troisième œil et des mensonges de ce genre pour croire que leur vie prendrait un tournant plus fascinant que « boulot, métro, s’occuper des enfants, dodo ». Heureusement, l’Astronomie était fortement éloignée de l’Astrologie. Il appréciait ses cours passés au sommet de tours, dans la nuit la plus noire possible afin de repérer Mars, Venus et des dizaines de constellations différentes. C’était inspirant. Il n’était pas rare que les thèmes cosmiques reviennent parmi ses sujets favoris en art. Et puis, c’était source de réflexion. Se demander si tout ce mouvement était régi par des lois précises encore inconnues, par une intervention divine ou par simple hasard. C’était dommage que la taquinerie arrivait un jour de vision. Isaak ne se sentait alors pas suffisamment clair d’esprit pour se lancer dans un monologue, défendant avec vergogne cette passion. Non, il se contenta d’un sourire et d’une réponse du bout des lèvres, dans un murmure : « Vraiment, on n’aurait pas idée d’un truc pareil. C’est quoi la prochaine étape, que la lune provoque des transformations animales chez certaines personnes ? »

Kieran céda et commença à lui raconter sa journée. Ce crayon était introuvable. Dessiner dans un canapé, aussi moelleux et confortable soit-il, était sans doute l’une des plus mauvaises idées jamais eues. Sa main tâtonnait tout autour de ses cuisses, tout en écoutant d’une oreille distraite. Bon sang, il ne pouvait pas être bien loin. Et s’il avait roulé sous le canapé ? La poisse, la poisse la plus totale. La mine s’était alors sûrement cassée. Mais le précieux objet réapparait dans les doigts de son cher et tendre et ses yeux s’illuminèrent. Son crayon, le voilà. Avant de rougir légèrement. Il n’avait rien retenu. Quel cours avait eu Kieran ? Il avait parlé de Ilvermorny, non ? Que disait-il ? Que c’était mieux là-bas ? Encore un murmure, toujours un murmure. Mais précipité cette fois, tout en attrapant l’outil : « Oui, c’était ce que je cherchais. Merci beaucoup ».

Après cela, il s’efforça à se concentrer sur la journée racontée. Histoire des moldus. Géologie. Non, vraiment rien de transcendant. Il n’aimait ni l’un, ni l’autre. « Histoire. Bien un truc de nerd ça » tente-t-il avec une expression taquine, « Franchement, il est où l’intérêt d’apprendre que depuis la nuit des temps, on se tape dessus d’un côté comme de l’autre ? On a terriblement l’air d’apprendre de nos erreurs. » Il doutait que les doigts caressant doucement ses cheveux n’allaient pas d’un instant à l’autre le décoiffer, comme pour lui dire qu’il n’était qu’un petit idiot qu’il aimait quand même beaucoup.

Puis vint l’évocation de sa propre journée et c’est un grognement plein de désespoir qui s’échappa de ses lèvres. Quel enfer. Cette journée avait été des plus horribles. Sans doute l’aurait-il plus appréciée en temps normal mais il n’en était même pas certain. Divination. S’inscrire dans un cursus où la divination est présente, alors qu’on pensait qu’il ne s’agissait que de méthodes de charlatan et que son 3ème œil pourrait lui être un atout « glande assurée ». Faux. Tout à fait faux. « Ne me parle pas de la Divination s’il te plait. Si je dois encore lire avec sérieux un chapitre de ce foutu bouquin, je crois que je le brûle. Puis lire l’avenir dans des feuilles de thé. A part une masse dégueulasse et informe, j’y vois pas grand-chose. J’aurais peut-être dû lui dire que les cadavres, perso, je les voyais dans mes rêves. »

Avant de se taire subitement et de se pencher vers cette foutue esquisse. C’était encore une vision des plus joyeuses.  Il espérait que cette nuit serait plus calme que la précédente. Pas deux soirs de suite. Il ne donnait pas cher de sa santé mentale si les jours s’enchainaient de la sorte. Les visions, les cours, l’étude, le club, trouver ce foutu job, la fatigue. Il avait presque envie de dire qu’il avait fini pour sortir fumer. Machinalement, sa main tapota la poche où se trouvait le paquet. Peut-être que s’il ouvrait la fenêtre, il n’aurait même pas à descendre. Le silence devait avoir durer une demi-minute avant qu’il ne reprenne la parole.

« Et puis, des cours d’éloquence. Tu m’imagines en cours d’éloquence ? »
Prenant un timbre de voix plus aigüe – terrible signe de moquerie – pour s’élancer dans un semblant d’éloquence. « Pouvez-vous le croire, Messieurs, Mesdames, qu’on juge des êtres fait de sang et de chaire, tout comme vous, tout comme moi, sur ce précieux liquide rouge qui coule d’ailleurs dans leur veine ? Et pourtant… Cela arrive tous les jours. » Avant de partir dans un fou-rire qui attirerait certainement des regards sur eux. Non mais vraiment, Isaak en parfait petit orateur. Il ne manquerait plus qu’on essaie de lui inculquer les manières de la Haute.

Il ne faisait vraiment que se plaindre. Se plaindre et l’inquiéter. Le copain idéal, celui dont on rêvait tous. Et t’as passé un an pour gagner ça, mon pauvre. Dernier soupir avant d’ouvrir son carton à dessin pour y ranger son chef d’œuvre sans aucun regard. Direction les oubliettes. Si possible. « Non mais au final, c’était pas si mal. C’est intéressant la philosophie quand même. Puis on a assez parlé de ma journée. Tu veux faire quelque chose ce soir ? Un tour dans le domaine ? Lire dans ce merveilleux canapé devant ce magnifique feu de cheminée ? Etudier ? »
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MessageSujet: Re: Dessiner suspend la pensée. (Kieran&Isaak)   Dessiner suspend la pensée. (Kieran&Isaak) EmptyDim 6 Oct - 0:16

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La blague tombe à l’eau, et l’homme-loup s’inquiète. En temps normal, Isaak se serait outré, et défendu avec emphase tout en le traitant d’idiot. L’astronomie, c’est important. Lui aimait les planètes, pas étonnant pour un artiste qui passe plus de temps la tête dans les étoiles que les pieds sur terre. Mais tout ce qu’il avait réussi à lui tirer, c’était un faible sourire et un murmure pas vraiment convaincu, surtout là pour le rassurer, lui faire comprendre qu’il s’intéresse à la conversation, et pas à ce foutu dessin représentant sa vision de cauchemar dont il ne veut pas parler. Mais il ment mal, le voyant, et après huit ans de vie commune, le lycanthrope a appris à détecter les signes, pour être une aide et non un fardeau. Mais peut-être que finalement, Isaak le voyait comme un fardeau. Arrête ça, mon frère. Il y pensait après chaque vision, chaque réveil où l’ancien Puckwoodgenie s’isolait tout seul pour dessiner. N’était-il pas une gêne, à rester avec lui quand il cherchait désespérément la solitude ? Peut-être qu’Isaak était trop gentil pour le chasser… Ou peut-être qu’il avait peur de lui. Ça suffit, mon frère. Tu sais que c’est faux, alors arrête de te torturer. L’homme-loup se fendit d’un léger sourire troublé. Il détestait ça, quand les insécurités du voyant faisaient ressortir les siennes.

« Ouais hein, ridicule. Tu imagines ? Ça doit faire mal, en plus. »

Pas plus que ça, murmura la voix du loup dans son esprit, non sans un certain amusement. Au début, oui, ça faisait horriblement mal. Mais après vingt ans de transformation, il ne sentait plus rien. Ça tiraillait un peu, comme un chatouillis. S’il refusait qu’Isaak y assiste, c’était surtout à cause du spectacle et du sang, pas de la douleur ressentie. Mais il n’était pas seul. Il n’était jamais seul. Au moins, lui avait la chance de ne pas être seul dans son esprit ; le loup le remettait immédiatement sur le droit chemin quand il faisait mine de s’égarer. Hors de question que je partage mon esprit avec une loque. Baissant les armes, il entreprit donc de raconter sa journée, non sans noter qu’Isaak ne l’écoutait absolument pas. Son regard le fixait vaguement, mais sa main cherchait le crayon qui avait roulé sur le canapé - crayon qu’il avait récupéré d’un geste vif avant qu’il ne s’écrase, pointe en tête, sur le sol de la salle commune. Le voyant n’écoutait rien. Kieran aurait pu lui dire n’importe quoi que ça ne lui aurait pas tiré un frisson. Finalement, quand le crayon réapparaît sous ses yeux, une étincelle s’allume enfin dans son regard sombre qui ne lâche pas le bout de bois des yeux. Au moins eut-il le bon sens de rougir de gêne, et de ne pas prétendre qu’il l’avait écouté jusqu’au bout.

« Pas de quoi, mon cœur. Je peux comprendre que mes histoires de nerd ne t’intéressent pas plus que ça. Si je n’étais pas aussi exceptionnel, je me fatiguerai probablement moi-même, aussi. »

Sa nouvelle blague tombe à l’eau. Décidément… Alors il reprend la parole, pour continuer de raconter sa journée très peu intéressante. Histoire, géologie. Il n’aimait pas beaucoup la géologie, mais l’histoire, c’était sa passion. Alors quand Isaak se permet de qualifier ça de truc de nerd dans le seul but de le faire réagir, il ne peut s’empêcher d’esquisser un léger sourire d’espoir que l’américain ne peut pas voir. Le reste de sa tirade est vrai, cela étant. Sorciers comme moldus, les êtres humains n’apprenaient jamais de leurs erreurs. Certains triomphaient grâce à leur intelligence, mais l’immense majorité des combattants finissaient écrasés et oubliés. L’Histoire est écrite par les vainqueurs. Cela ne l’empêche pas d’agiter les doigts dans les cheveux sombres pour les ébouriffer un peu. Si intelligent, mais tellement stupide. La seconde suivante, il lui embrasse le cou avec un sourire, comme pour s’excuser - même s’il n’avait rien à excuser. Si Isaak n’avait pas voulu de sa présence, il l’aurait chassé. Il n’était pas un fardeau, même s’il essayait désespérément de lui tirer quelques phrases et l’arracher à son dessin morbide.

La divination. Quel con. Pourquoi avait-il parlé de cette matière ? Isaak jugeait la divination comme étant de la connerie, parce que ses visions à lui étaient réelles alors que ce qu’il voyait dans les feuilles de thé, c’était juste du temps perdu. Il perdait son calme, le voyant, de voir tous ces nigauds lire avec crédulité des merdes du genre Lever le voile du futur. Le voile du futur, il le levait toutes les nuits, dans son sommeil, et ça le terrifiait. Et c’était au loup de veiller à ce qu’il dorme bien, à ce que sa présence rassurante soit assez intimidante pour chasser ses cauchemars. A San Francisco, l’aura du loup s’étalait librement dans toute la chambre quand ils dormaient. Ici, il avait dû se limiter pour ne pas faire peur aux autres. « J’aurais peut-être dû lui dire que les cadavres, perso, je les voyais dans mes rêves. » Immédiatement, Kieran se fige. Trop vite pour que ce soit naturel. Et son regard glacé vire doucement au gris tandis que le loup émerge, aussi inquiet que lui pour le voyant.

S’il rate le reste, le fou rire d’Isaak le ramène à peine sur terre. Quelques regards se tournent vers eux, mais rien de suffisamment insistant pour qu’il s’y intéresse. De la curiosité, qui dure quelques secondes, et chacun retourne à ses occupations. D’un geste, Isaak ouvrit son carton pour y ranger son dessin sans que le loup ne cherche à l’en empêcher - même s’il aurait vraiment aimé voir ce qui le terrifiait tant. Qu’importe, on finira bien par le savoir, surtout s’il a vraiment vu des morts. L’artiste reprit cependant la parole, lui demandant ce qu’il voulait faire. Se balader, se promener, étudier ? Il y aurait certainement eu une bonne blague à placer, à base de viens on va réviser nos cours de biologie, mais ce n’était pas le moment. La phrase d’Isaak restait accrochée dans sa tête comme une malédiction, et tout ce qu’il voulait, c’était savoir.

« Je voudrais pouvoir entrer dans ta tête pour chasser ce qui te fait si peur, murmure-t-il doucement, sans vraiment s’en rendre compte. Je me sens inutile, ça me rend fou. Je suis là à faire le crétin pour que tu souries alors que je dois juste être un fardeau, mais ça m’inquiète de savoir que tu vas mal et que tu ne veux pas en parler. Il ne réfléchit pas ses paroles, et le loup, intelligent, le laisse vider son sac, sachant que montrer ses fêlures poussera peut-être Isaak à réagir. Tu as vraiment vu des morts, cette nuit ? Léger silence. Avant qu’il ne se rende compte, avec une pointe d’anxiété, qu’il en a trop dit et trop demandé. Alors il rétropédale brusquement. Désolé, ça ne me regarde pas. Tu n’es pas obligé d’en parler. Même si on aimerait énormément que tu nous en parles, mon cœur. Et… On peut faire ce que tu veux, j’imagine. Tant que je suis avec toi, je suis heureux. »

Le loup-garou n'ose pas vraiment insister.
Tout ce qu'il voulait, c'était voir le dessin, et Isaak le savait très bien.

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MessageSujet: Re: Dessiner suspend la pensée. (Kieran&Isaak)   Dessiner suspend la pensée. (Kieran&Isaak) EmptyDim 6 Oct - 12:36

C’était dans ses rares moments de faiblesse, de confiance en soi à fleur de peau, qu’Isaak se disait qu’il devrait faire plus d’efforts. Être plus fort. Être meilleur comédien. Trouver un moyen de ne rien ressentir pendant les nuits lorsque le futur s’emparait de lui, pauvre petit messager sans défense. S’ouvrir plus facilement. Ou tout mieux cacher. Il ne savait pas vraiment quelle solution il préférait. Juste celle qui permettrait à son tendre de se reposer après des journées à moitié intéressantes, chargées, épuisantes. Pouvoir simplement s’asseoir dans ces pièces partagées, laisser ses doigts joués dans la chevelure ébène tout en appréciant le silence ou la joute salace à laquelle ils pouvaient s’adonner.

Non, à la place, il lui offrait des soirées d’angoisse, à devoir lui tirer les vers du nez parce qu’il avait laissé par mégarde un cri parmi les astres, un trait de crayon angoissé, son âme errée dans les plaines des doutes et des inquiétudes. Sombre crétin, terrible abruti. Il regarda la brèche s’ouvrir, dans des murmures perspectibles uniquement par lui. Il l’écoutait attentivement, la gorge se resserrant un peu plus à chaque mot.

Kieran, le fardeau. Il avait presque envie d’éclater de rire. Des deux, qui avait été le perpétuel fardeau ? Honnêtement ? Isaak, bien entendu. Gamin sans sou. Gamin sans réelle famille sur laquelle compter. Les Rutherford l’avaient pris en amitié et sous leur aile mais il ne pouvait s’empêcher, à chaque fois qu’il franchissait le pas de la porte, qu’il venait leur peser pendant le temps de leur accueil. Comme ils devaient être soulagés, lorsqu’il rentrait à Chicago. Et cela ne s’était pas arrangé avec les années. Le gamin n’avait pas grandi en un jeune homme raisonnable.  En un jeune homme capable. C’était pour ça, que Kieran l’avait invité à vivre avec. Parce qu’il était une source d’inquiétude, bien trop loin pour qu’on puisse s’assurer rapidement qu’il était encore en vie. Il voyait bien l’éclat dans ses yeux à chaque fois qu’il venait à Chicago, dans cet appartement minuscule et si vide. Sur les vodka-céréales qui avait l’art de se dérouler toujours avant l’arrivée de son petit-ami. C’était lui, le fardeau.

Un fardeau à prendre avec des pincettes, visiblement.  Il voyait bien les efforts fournis pour s’assurer qu’il ne se braquerait pas. Était-il à ce point susceptible ? Avait-il aussi mauvais caractère ? Mais que faisait-il avec lui ? Pourquoi s’encombrait-il de l’artiste ? Il l’avait toujours su, il n’était pas assez bien. Il devrait vivre seul. C’était sûrement ce qui l’attendait, son père avait raison. On ne pouvait vivre en société quand on savait à peine comment y réagir.

Il fallait rendre les âmes. Il le fallait, nécessairement, s’il voulait conserver ce qui lui était précieux. Combien de temps supporterait-il encore ses jérémiades ? Combien de temps avant qu’il ne soit excédé ? Avant qu’il ne lui reproche une vie aux rêves non réalisées, loin de sa mère, parce qu’il avait fallu supporter un grand bêta qui ne savait tenir seul sur ses deux pieds ? Qui semblait vaciller à la moindre bourrasque ? Dans un souffle, il livra la délivrance. « Non, pas cette nuit. Ce n’était pas cela. » Non, c’était pire. Du moins, à ces yeux. Parce qu’au moins, les morts étaient morts et il n’y avait plus rien à faire pour eux.

Heureux avec lui. Risible. Tellement risible. S’il se questionnait, le loup-garou verrait bien qu’il n’était pas heureux. Qu’il était avec un parasite. Sauf s’il faisait des efforts. Des concessions. Il n’avait aucune envie de revoir ce dessin. Il s’était persuadé que ça portait malheur, de revoir les dessins de visions après qu’il les avait achevés. Ce carton n’était pratiquement jamais ouvert. Uniquement pour empiler aveuglement les nouvelles. « Vas-y. Ouvre-le. Regarde. Moi, je peux pas. » Dans un souffle, avant de se lever doucement.

Il ne fuyait pas. Mais il savait ce qui l’attendait. Alors, il avait besoin de courage, de force. Il s’approcha d’une fenêtre, demanda rapidement si cela dérangeait aux personnes à proximité, qui préférèrent s’enfuir à l’autre bout de la pièce, fuir les courants d’air glacés qu’il allait faire entrer. Le paquet sortit de la poche. Douces et précieuses amies. Réconfort nocif. Sa baguette rejoignit le mouvement pour brûler le bout. Première bouffée et déjà, sa gorge se desserra.

Il attendit. Attendit que l’américain ne finisse son étude méticuleuse d’un tas de traits. De traits qui formaient un cauchemar, un simple cauchemar. Attendit qu’il le rejoigne, finalement. En ralluma une autre, pour éviter que les doutes ne reviennent. « Non, pas de mort cette fois. » répéta-t-il, comme pour se rassurer. « Simplement des gens, des dizaines, réunis pour je ne sais pas quelle raison. Ils sont heureux d’être là. Ça rigole, ça chante. Puis une lueur astrale les recouvre. Et lorsqu’elle se retire, ils ont perdu la tête. Ils sont devenus fous. Ça crie. Ça hurle. Certains commencent à se retourner contre leurs amis. Ils sont devenus… » Les mots se meurent dans sa gorge. Mais ils devaient sortir. Exorciser le mal. «… Féraux. »

Il avait vu ce qui, pour lui, était le pire de la nature humaine. L’Humanité perdue. L’Humanité irrattrapable.
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MessageSujet: Re: Dessiner suspend la pensée. (Kieran&Isaak)   Dessiner suspend la pensée. (Kieran&Isaak) EmptyDim 6 Oct - 16:01

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Il aurait peut-être mieux fait de se taire, en fait. Parce qu’il sent, maintenant, Isaak se tendre dans ses bras, tandis qu’il parle sans réfléchir. Fardeau. Isaak va mal, et il trouve encore le moyen de l’accabler de ses propres peurs. Mais actuellement, il n’était pas important. Le voyant l’était, par contre. Le voyant et ses visions terrifiantes qui l’empêchaient de dormir et contre lesquelles ni l’un ni l’autre ne pouvaient rien faire, sinon attendre que ça passe et essayer de les comprendre. Mais comment comprendre quelque chose qui, la plupart du temps, ne se réalisait même pas ? Impossible. Et lui était là, à rajouter son inquiétude sur les peurs du brun. Il le sentait presque se tasser dans ses bras et ne pouvait pas s’empêcher de se sentir coupable. Lui, tout ce qu’il voulait, c’était lui offrir une vie tranquille et calme, ce que sa condition de loup-garou rendait difficile. Impossible de trouver un emploi stable. Tout son argent partait dans ces foutues potions onéreuses quand il craignait d’avoir raté les siennes sous le coup de la fatigue. Avant la pleine lune, il était fatigué, irritable, et Isaak finissait toujours par être le réceptacle de sa mauvaise humeur. Non, ce n’était pas une vie pour le voyant.

Il sait bien qu’Isaak pense pareil. Qu’il est un boulet à la patte du loup. Parce qu’il est plein d’insécurités, de peur et de solitude, depuis que sa mère est morte et qu’il a dû apprendre à se débrouiller seul à neuf ans. Difficile, pour l’homme-loup, de lui expliquer qu’il n’est pas et ne sera jamais un fardeau. Ses bras se refermèrent doucement autour de l’artiste, comme pour le rassurer - ou plutôt, pour se rassurer, lui. Comme pour s’assurer qu’Isaak ne le laisserait pas sur le bord de la route en se disant qu’il serait mieux sans lui, sans ce parasite qui passe une nuit sur trois à hurler à cause de ses cauchemars et à s’accrocher aux gens parce qu’il est incapable de vivre seul. Comme pour Chicago. Ce n’était pas par inquiétude qu’il avait voulu de lui à San Francisco, mais par amour. Parce que vivre seul lui était inconcevable et qu’il le voulait avec lui. Pur égoïsme. Inquiétude, aussi, qu’il lui arrive quelque chose. Mais pas qu’il crève de faim. Malgré leurs blagues à base de vodka et de céréales, il savait le voyant assez grand pour se débrouiller tout seul sans qu’on lui dise quoi faire.

Mais Isaak lui échappe, se levant sans qu’il n’essaie de l’arrêter. Le loup se retient de lâcher une légère plainte. Reste avec moi. Cependant, en partant, il lui laisse la possibilité de regarder le dessin, et clairement, Kieran ne va pas se faire prier. Sa main attrapa le carton débordant de croquis, qu’il ouvrit pour sortir le dernier, se retenant pour ne pas regarder les autres. Isaak a dit celui-là, pas les autres. Le reste ne nous regarde pas. La pochette est vite refermée, pour ne garder que le croquis qu’il a le droit de voir. Il ne lui faut pas bien longtemps pour comprendre ce qu’il voit - Isaak est un artiste, qui fait attention aux moindres détails, surtout dans ses dessins de vision, sait-on jamais. Minutieux et perfectionniste, il se blâmerait s’il devait arriver quelque chose parce qu’il avait oublié un détail. En l’occurrence, c’est… Ça ressemble à une fête. Au moment exact où quelque chose tourne mal. La lueur des étoiles semble trop forte pour que ce soit naturel, et efface même celle du feu. Les gens sont dessinés avec exactitude au moment où la réalisation de ce qu’il se passe transforme la joie d’être là en peur de mourir. Je ne comprends pas cette vision, mon frère. Emportant le carton avec lui pour que personne ne fouille dedans, Kieran se lève pour se rapprocher de la fenêtre qu’Isaak a entrouverte pour pouvoir fumer.

Le voyant se rallume une cigarette au moment où il s’installe dos contre le mur, en tee-shirt dans le courant d’air. Aucune importance ; en tant que loup-garou, il ne tombait jamais malade, de toute manière, si on exceptait sa légère irritabilité d’avant la pleine lune. La cigarette change tout naturellement de main, et c’est Kieran qui tire doucement dessus pendant qu’Isaak reprend la parole. Pas de mort, cette fois. Ça le rassure, mais ça l’inquiète. Comment ça, cette fois, mon cœur ? Il aimerait être legilimens, entrer dans sa tête, voir ce qu’il voit. Poster le loup à l’orée de son esprit pour qu’il terrifie les cauchemars du voyant. Moi aussi, j’aimerais bien, mon frère. A mesure qu’Isaak raconte sa vision, il écoute en silence, essayant de savoir si ça se réalisera ou pas. Mais très peu de ses visions s’étaient réalisées, jusqu’ici. Ça pouvait tout aussi bien être un cauchemar particulièrement effrayant, et pas une vision.

« Féraux, répète-t-il à voix basse. Ce n’est pas un mot qu’il aime. Il ne faut surtout pas que ça nous arrive, mon frère. Tu imagines le danger, si un loup-garou devenait brutalement sauvage au milieu d’une assemblée terrifiée ? Oui, il l’imagine très bien. Je ne pense pas qu’on ait grand-chose à craindre, Isaak. Les profs ici ont l’air qualifiés, ils veilleront à la sécurité des étudiants. Et nous, on veillera à ta sécurité. Et puis c’est quelque chose qui peut se passer bien loin d’ici. Ou ne pas se passer du tout. »

Il lui tend à nouveau la cigarette. Partage. Mais au lieu de retomber le long de son corps, sa main attrapa doucement celle du voyant. S’il devait lui arriver quoi que ce soit, il ne se le pardonnerait pas. C’est lui qui lui avait parlé de l’Irlande et de la possibilité de reprendre des études. Il n’avait, à aucun moment, prononcé le mot MACUSA, mais Isaak n’était pas stupide et avait bien compris que c’était peut-être l’ultime chance de Kieran de réussir à entrer au département des mystères américain, s’il réussissait à valider ses trois années. Il l’avait plus suivi par amour que par réelle envie de reprendre ses études, alors c’était au loup de veiller à ce qu’il ne regrette pas d’avoir quitté l’Amérique, et d’avoir laissé son père derrière lui. Même s’il le méprisait, il restait son père, malgré tous les torts qu’il lui avait fait.

« T’es pas tout seul, Isaak. D’accord ? On est là. Le regard bleu-gris vire brièvement à la nuit. Le loup veille. Toujours, mon frère. Jusqu’ici on a eu de la chance, tes visions n’ont l’air d’être que des cauchemars. Mais même si celle-là venait à se réaliser… Ça va bien se passer, parce qu’on est ensemble. L’assurance perce dans son murmure. Qu’est-ce qu’il pourrait bien leur arriver, du moment qu’ils restent ensemble ? Et ne viens pas me dire que je serai mieux sans toi, plaisante-t-il sans vraiment plaisanter, tu n’es pas un fardeau, d’accord ? C’est normal d’avoir peur de ce que tu vois la nuit. Je serai probablement terrifié, si ça devait m’arriver aussi. Mais tu n’es pas un fardeau. Ni pour moi, ni pour ma mère, ni pour personne. »

Sa main se resserra doucement autour de celle du voyant, comme si ce simple mouvement pouvait lui envoyer assez de confiance pour qu’il accepte ces propos. Au moins, à force de vivre ensemble, le loup avait appris à faire planer sa présence autour d’Isaak, quand ce dernier restait proche de lui. La nuit, ça suffisait à éloigner les cauchemars.

Maintenant, il aurait aimé que ça suffise aussi à éloigner le danger, réel ou imaginaire.

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MessageSujet: Re: Dessiner suspend la pensée. (Kieran&Isaak)   Dessiner suspend la pensée. (Kieran&Isaak) EmptyMer 9 Oct - 20:57

Il ne savait pas si ces mots avaient pour but de le rassurer lui ou de se rassurer soi-même. Peut-être les deux. Peut-être qu’il n’y avait que lui pour se mordre la lèvre après avoir prononcé un mot lourd de sens pour un loup-garou. Vraiment, parler de perte de contrôle devant quelqu’un qui symbolisait précisément cela dans l’imaginaire collectif. Ils avaient tous une part sauvage au plus profond d’eux mais certains plus que d’autres. Les doigts s’avancèrent pour récupérer la cigarette, tout en effleurant le dessus de sa main – caresse infantile. Il n’avait pas peur que le jeune homme perde la tête et devienne une bête assoiffée de sang. Il n’avait jamais eu peur. Et puis, il ne l’avait pas vu, dans la vision.

Goût âcre de retour au contact des lèvres. Doucereuse lutte contre l’anxiété. Devoir compter sur d’autres pour les protéger. Il ne pouvait le nier : les gens ici avaient l’air d’être des gens qualifiés, tout à fait capable d’avoir à cœur la sécurité de leurs étudiants. Mais devoir compter sur des gens parfois à peine plus âgés qu’eux. Alors qu’ils vivaient seuls depuis leur majorité. Le grand plongeon avait été fait. Bonjour la liberté et ses galères mais ô combien elle était douce. Se sentir adulte. Se sentir responsable. Pour mieux s’enfermer à nouveau. Certes, ce n’était pas Ilvermorny. Certes, on prenait en compte leur vieillesse.

Et puis, on lui rappelait gentiment la faible probabilité que cela se produise. « Je sais très bien. » Une pointe de frustration transperçait le voile de sa voix. C’était plus dur qu’il ne voulait l’admettre, de voir, ou du moins de penser avoir vu, quelque chose et puis… Plus rien. Juste lui et un dessin dans le fond de son carton. Un dessin pour souvenir d’une nuit atroce. Et cette question déplaisante de cauchemar ou de réalité qui restait dans un coin de la tête, jusqu’à ce que tout soit oublié. Peut-être bien qu’il n’était pas voyant. Peut-être bien qu’il avait un peu de chance, une fois de temps en temps et qu’on avait pris ça pour un don. Peut-être bien qu’il était juste dérangé. Que la mort de sa mère l’avait perturbé bien plus qu’ils n’avaient voulu se l’admettre avec son père. Un psy l’aurait aidé. Et il n’aurait plus jamais rien vu de sa vie.
)
Puis la main attendue s’empara de la sienne et les lèvres rêvées murmuraient des mots qui lui semblaient tant de fois répéter. Il avait l’impression d’entendre les dernières paroles semi-lucides de son père en canon. Tu n’es pas tout seul, Isaak. Tu finiras seul, Isaak, petit Isaak, comme ton bon vieux père. Tu avais vraiment cru pouvoir échapper au sort des Kovalek ? Et qui voudrait de toi, pauvre petit minuscule Isaak ? De ce gamin avec sa bizarrerie qui coule dans ses veines, dont les hurlements déchiraient la nuit et perturbaient bien des sommeils. C’était vrai Isaak, ce n’était que des cauchemars. C’est ce que sa mère disait, non ? Et n’avait-elle pas toujours raison, cette madone idéalisée, avec ses regards d’inquiétude et ses murmures anxieux à la Sainteté orthodoxe du dimanche ?

Ensemble. Ils étaient ensembles. Depuis ses onze ans, il n’était plus seul. Il avait sa deuxième maison. Il avait ses amis, ses connaissances. Il n’avait jamais eu de problèmes pour se lier, l’enfant, comme s’il compensait d’horribles présages. Et puis, il avait Kieran. Comme les deux doigts d’une main. Que leur arriveraient-ils, tant qu’ils étaient ensemble ? Alors il laissa jouer ses doigts contre la paume de la main avec insistance, avec conviction. « Toi non plus, tu sais, tu n’es pas un fardeau. Pourquoi tu serais un fardeau, sérieusement ? Tu ne demandes jamais rien à personne. Même pas à moi. Et tu passes ton temps à t’inquiéter pour les autres. »

Avant de l’attirer dans ses bras, contre lui. Avec toute sa force, et le peu d’opposition de son petit-ami. Sinon, il aurait tiré de toutes ses forces avant de passer par la fenêtre sûrement. Avant d’écraser ses lèvres contre les siennes, avec force et non dans le but de détourner la conversation cette fois-ci, cigarette pendante à l’extérieur, achevant de se consumer sans intervention humaine. Une fois achevé, les lèvres pendirent dans le creux du cou, à fleur de peau et les doigts partirent se perdre dans l’auréole de boucle. « Arrête de t’inquiéter pour moi, pour rien. Tu vas attraper des poils blancs avant l’heure, Louveteau. Je vais bien, très bien. Surtout quand tu es là. Ce n’était rien de grave au final, tu vois. »

Puis il se redressa, abandonnant la chaleur réconfortante et le poussa légèrement. Juste assez pour se tenir droit, terriblement droit et porter les mains sur ses hanches, l'air désespéré et las. « Kieran Rutherford, vous êtes aussi stupide que moi, par moment. Vous n'avez quand même pas douté il y a quelques instants de l'amour que je vous porte ? Faut-il donc que j'écrive à votre mère pour lui rapporter que je vous ai contaminé ? » Avant de laisser naître un sourire narquois sur le bout des lèvres qui éclata en rire lumineux. La vision n'était pas loin, pas pour le moment, mais il ne servait à rien de la ressasser. Kieran reviendrait bien à l'attaque sur un point ou un autre à un moment donné. Autant d'abord le rassurer.
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MessageSujet: Re: Dessiner suspend la pensée. (Kieran&Isaak)   Dessiner suspend la pensée. (Kieran&Isaak) EmptyJeu 10 Oct - 23:57

Dessiner suspend la pensée
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La frustration d’Isaak est brûlante, même si elle ne transparaît que faiblement dans sa voix. « Je sais très bien. » Eh merde. Crétin. Il essayait de le rassurer, et il lui jetait ses propres faiblesses à la tête, le fait que ses visions n’en étaient peut-être pas ; seulement des cauchemars dépourvus de sens qui pourrissaient leurs nuits à eux deux, bien que l’ukrainien n’en soit pas fautif. S’il se retient de rentrer la tête dans les épaules face à sa bourde, il ne peut empêcher son regard de briller d’une légère culpabilité. Il aimerait lui dire pardon, mais il sait qu’Isaak repousserait ça avec un haussement d’épaules et des paroles légères, parce que ce n’était pas grave, selon lui. Rien n’était jamais grave, selon lui. Il ne fallait pas l’inquiéter, ne pas lui donner de raisons de douter. Continuer d’avancer et enfermer ses peurs à double tour jusqu’à ce qu’elles disparaissent. Mais ce n’est pas comme ça que ça marche. Le jeune américain ne trouve rien à répondre, ni au loup, ni à Isaak. Il savait bien que ça ne marchait pas comme ça, de toute manière.

Mais il n’était pas tout seul, le petit voyant perdu dans ses cauchemars. Malgré tout ce que l’enfoiré lui servant de père lui avait chanté, il n’était pas et ne serait jamais tout seul. Ils étaient ensemble. Cette vieille outre à mauvais vin pouvait bien lui répéter qu’il finirait seul, comme lui, qu’il était bizarre avec sa magie et ses visions et son ami au regard trop perçant, il était clair, pour le san franciscain, que ce n’étaient que des mensonges. Pour qu’Isaak soit seul, il faudrait d’abord que les autres l’abandonnent. Comme leurs amis. Ou sa mère. Ou lui. Plutôt crever. Il n’était même pas sûr, le lycanthrope, que le voyant ait dit à son père que l’ami au regard perçant n’était pas seulement un ami, et depuis dix ans maintenant. Le vieux Kovalek aurait sans doute trouvé là un autre moyen d’accabler son gosse qu’il avait complètement lâché en le laissant se démerder seul beaucoup trop jeune, tout ça pour son deuil. Lâche. Maman aussi a perdu son mari, elle ne nous a jamais traités de la sorte. Isaak, finalement, sort du silence, et sourit. Lui non plus n’est pas un fardeau. « Tu ne demandes jamais rien à personne. Même pas à moi. » Hahahaha, touché ! Gêné, Kieran a le bon sens d’esquisser un léger sourire et de rougir légèrement.

« On ne parle pas de moi, là. Ah bon, tu veux pas lui parler de l’aconit ? Par Merlin, des fois, il aimerait vraiment pouvoir frapper ce foutu loup. Puis je m’en fous des autres, c’est pour toi que je m’inquiète, parce que je t’aime, abruti. »

Mouvement très vif - très vif pour un humain, ouais - et Isaak l’attire contre lui. Kieran n’y met aucune opposition, parce qu’il est toujours content de recevoir de l’affection, et quand leurs lèvres entrent en contact, il ferme les yeux. Juste heureux. Parce que cette fois, ce n’est pas pour fuir la conversation, pas comme tout à l’heure sur le canapé. Il n’y a personne pour broncher, autour, sans doute parce que tout le monde a fui à cause du froid qui s’engouffre par la fenêtre ouverte - bande de faiblards, il fait pas si froid, rohlala - et parce que c’est assez difficile de reprocher quoi que ce soit à un loup-garou de presque deux mètres qui s’assume comme jamais un loup-garou ne s’est assumé. Au final, il ne rouvre les yeux que quand il sent les doigts d’Isaak se perdre dans ses cheveux, et son souffle frais dans son cou. Louveteau. L’évocation au surnom préféré de sa mère lui arrache un sourire heureux - mais ne lui fait clairement pas oublier la suite.

« Ce n’est jamais rien avec toi, mon cœur, murmure-t-il, répétant les mots du loup quelques minutes auparavant. Si ça t’inquiète, ça m’inquiète. Et si je dois m’en faire des poils blancs, eh bien je serai le loup-garou blanc le plus sexy du coin. »

Un sourire - pas vraiment très propre - étire ses lippes tandis que son regard pétille. Mais déjà, Isaak recule, quittant le cocon de chaleur corporelle du loup-garou. Il le regarde maintenant, mains sur les hanches, et Kieran se retient de lâcher une vulgarité du genre yes daddy, déjà parce que le plus vieux du couple, c’est lui - mais de quelques mois seulement. Cependant, sa bonne humeur éclate comme une bulle de savon. Douter de l’amour qu’il lui porte. Oh non non non. Contaminé. Arrête ça mon frère. Son sourire s’étiole doucement, et disparaît. Kieran ne doutait pas de l’amour qu’Isaak lui portait. Mais… Est-ce que ça voulait dire que le contraire était vrai ? Qu'Isaak pensait qu'il restait là par pitié et non pas par amour ? Le rire lumineux se coupe quand l’ukrainien comprend qu’il a fait une bêtise, même s’il n’arrive pas à comprendre laquelle.

« Mais je n’en ai jamais douté, moi. Son ton est trop calme, trop posé. Signe avant-coureur que le danger n’est pas loin. Mais toi ? Est-ce que tu en doutes ? »

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Kieran Rutherford
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MessageSujet: Re: Dessiner suspend la pensée. (Kieran&Isaak)   Dessiner suspend la pensée. (Kieran&Isaak) EmptyDim 13 Oct - 21:01

Le rire mourut sur ses lèvres aussi vite qu’il y était né. Ce n’était pas ce qu’il avait prévu. Non, lui, il avait parié sur un peu de légèreté après la lourdeur imposée par sa vision et son entêtement. Sur une surenchère, un sourire léger mais présent, des supplications pour ne pas contacter la matriarche qui auraient débouchées sur de délicieuses promesses qu’il n’aurait pu refuser. A la place, l’ébène se heurta à un banc de glace. Plein front, on pourrait presque se croire dans un remake de Titanic. La gaieté qu’il avait essayé d’instaurer se noyait et il n’était pas certain qu’une bouée serait lancée à temps.

Il encaissait difficilement. Ce n’était pas ce qu’il avait voulu dire. Mais la journée avait été longue, trop longue. Surtout pour une nuit aussi courte, où les quelques heures grappillées n’avaient pas été des plus réparatrices. Il était fatigué, terriblement fatigué. Et cette discussion l’avait vidé, exténué. Cela travaillait trop de choses en lui. Et maintenant, le loup qui trouvait des sens cachés à ses paroles. L’étui à cigarettes s’ouvrit. Vide. Évidemment. Le paquet de tabac se retrouva rapidement sur l’appui de fenêtres, le temps de trouver ses feuilles et ses filtres.  Les doigts s’affairèrent ; précis, secs, experts. Attraper une feuille, y déposer du tabac, le tasser, déposer un filtre, rouler et serrer la feuille pour finir par porter le tout à ses lèvres afin de l’humidifier pour la coller. Cherchait-il à gagner du temps ? Peut-être. On lui avait toujours dit qu’occuper ses mains, c’était occuper son esprit. Et cela le rassurait, de ne pas les voir trembler. De se savoir maître de son corps.

Le briquet s’en approcha et flamba le bout. Première bouffée, tournée vers l’extérieur. Observer ce qui était dehors s’étendre. « Ah oui, vraiment ? » finit-il par abandonner d’un ton neutre. L’interrogation était neutre, contenue. Isaak ne savait que dire. C’était trop tard pour commencer à philosopher et débattre. Sa tête le lançait. Sans doute pourrait-il simplement lui assurer un amour éternel et des plus forts – ce qui était d’ailleurs la vérité. Mais il savait que Kieran ne s’en accommoderait pas, qu’il prendrait cela comme une tentative de fuite. « C’est dommage alors que certains êtres humains sont plus faibles que d’autres. » ironisa-t-il.

Trop vif, trop sec. Il n’aimait pas cela. C’était la fatigue qui parlait à sa place.  C’était la colère qu’il ressentait contre lui-même qui s’exprimait. Il n’aimait pas voir ses faiblesses étalées devant ses yeux de la sorte, même s’il savait que c’était pour son bien. Que son cher et tendre ne cherchait pas à le blesser, à le voir couler. Simplement à savoir ce qui n’allait pas, ce qui n’avait pas été. « Moins qu’avant, si tu veux tout savoir. Beaucoup moins qu’avant, Dieu merci. » Rire sans joie, toujours avec cette ironie dépeinte. Les débuts avaient été chaotique. Il avait eu du mal à y croire. Il avait l’impression d’avoir rêvé, ce premier soir où la réciprocité a été révélée. Puis le temps avait passé et voir cette main dans la sienne lui avait semblé naturel, comme si cela avait toujours été le cas.

Il regardait le carton qui traînait non loin d’eux. Il avait envie de l’attraper et de le lancer dans la cheminée. Ou de le jeter par la fenêtre, voir les feuilles se disperser et laisser les averses certainement prévues s’occuper de leurs cas. Ne retrouver que la bouillasse de papier engorgé le lendemain matin. Ou alors, les prendre un à un et les déchirer. Il proposerait bien à Kieran de l’aider mais jamais il n’accepterait. Les dessins étaient trop précieux. Ils représentaient la seule chose qui l’animait réellement, en dehors de l’amour qu’ils se portaient. Isaak pensa aux carnets qui devaient traîner dans le dortoir. Celui de leur cinquième année, rempli de croquis dérobés de son meilleur ami. Ceux des années suivantes où il s’étalait parmi d’autres muses. « Tant mieux, si tu ne t’es jamais réveillé en plein milieu de la nuit. Tant mieux si tu ne t’es jamais demandé si la silhouette endormie à tes côtés se rendrait compte un jour qu’elle méritait mieux. Si ce n’était pas déjà le cas. »

Il était idiot. Il le savait pertinemment. Il devrait lui dire que, oui, il lui arrivait de douter, les jours où il ne savait qui il était, qui il allait devenir, les jours où il se sentait rien, moins que rien. Mais qu’il lui suffisait de le voir rire, sourire ou plonger son regard dans le sien pour qu’il comprenne qu’il était stupide. Incroyablement stupide. Peut-être lui dira-t-il au soir, lorsqu’il le rejoindra dans son lit et qu’il chuchotera milles excuses. Parce qu’il s’en voudra, évidemment, lorsque la pression sera retombée. Lorsque la nuit ne parviendra pas à le bercer malgré la fatigue. Mais présentement, il était juste stupide. « Mais c’est vrai que cela doit être plus facile, quand on sait que l’autre ne trouvera pas mieux, qu’il a une chance inespérée d’être avec quelqu’un. Ça doit moins créer de doutes, non ?  Si ça peut te rassurer, cet idiot est parfaitement au courant de la chance qu’il a. »

Il avait juste envie de se rouler en boule dans un canapé. A regarder le feu danser dans l’âtre et s’y perdre. Ou d’être caché sous sa couette, seul dans leur dortoir. Ne pas avoir à se justifier. Ne pas avoir à faire croire que tout allait bien, ce soir. Cela ne devait-être qu’une blague, une simple blague pour les détendre. Il n’avait pas réfléchi, jamais réfléchi. Était-ce bientôt la pleine lune ? Était-ce la raison de leur fébrilité ? Il n’avait pas regardé quand était la prochaine. Il aurait du faire attention à ce genre de détails, pour le ménager dans cette période difficile. Il prit alors un ton plus doux, où la fatigue pointait. « Tu as tout ce qu’il te faut, pour la prochaine pleine lune, au fait ? »
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MessageSujet: Re: Dessiner suspend la pensée. (Kieran&Isaak)   Dessiner suspend la pensée. (Kieran&Isaak) EmptyDim 13 Oct - 22:58

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Erreur. Grosse, grosse erreur. Il avait réussi à s’aliéner le voyant. Ce dernier avait tenté un trait d’humour, que le californien, stressé et fatigué, n’avait pas saisi. La blague était tombée à l’eau tandis que l’ambiance se gelait d’un seul coup. L’espace d’une cruelle seconde d’inattention, il avait oublié qu’Isaak était tout aussi épuisé que lui, mais qu’en plus, il devait gérer ses visions, ces cauchemars qui peuplaient ses nuits et qui ne se réalisaient quasiment jamais. L’une d’elles s’était-elle déjà réalisée ? Merde, même lui ne pouvait pas le dire. Mais il n’avait jamais mis en doute les pouvoirs d’Isaak. Quand, à Ilvermorny, les autres le traitaient de fou, lui se contenter de pousser une bièraubeurre vers lui en lui disant que s’il voulait en parler, il serait là pour l’écouter. Toujours. Ils avaient treize ans, à l’époque. Ils en avaient vingt-cinq, maintenant. Mais rien n’avait changé. Il était toujours là pour l’écouter, et pour le croire.

Mais là, il avait merdé, en oubliant que le voyant s’épuisait, la nuit, à cause des visions qu’il recevait comme des attaques. Ce n’était pas parce qu’il l’entourait de ses bras, parce que le loup imposait son aura protectrice, que les visions s’arrêtaient. Elles étaient moins violentes, mais elles continuaient, immuables comme la course de l’eau. Kieran permettait juste à Isaak de voir presque sereinement ses visions, comme derrière un voile protecteur, au lieu d’être violemment agressé par ces dernières. A aucun moment il ne les stoppait, ce qu’il aurait vraiment aimé faire. Isaak se réveillait épuisé après chaque nuit de vision, des nuits comme celle-là. Et après, un rien suffisait à mettre le feu aux poudres, à craqueler la façade qu’il construisait avec patience pour se protéger de ceux qui le voyaient comme un fou - ou comme un faible.

S’il en doutait moins qu’avant, de l’amour que le loup lui portait, il en doutait toujours. L’attaque est sèche, et extrêmement précise ; si Kieran ne dit rien, il sent ses sourcils se froncer bien malgré lui, et son regard se baisser pour que le jeune homme ne puisse pas lire la pointe de culpabilité mâtinée de déception dans ses yeux trop sombres. Au bout de dix ans, pourquoi en doutait-il encore ? Pourtant, il passait son temps à lui montrer. Qu’est-ce qu’il ne faisait pas assez bien ? Sans rien dire, il glissa une main dans sa poche tandis qu’Isaak fumait sans le regarder, et doucement, la main se transforma en poing. Il s’en serait planté les ongles dans la peau s’il ne veillait pas à les couper extrêmement court pour éviter de griffer qui que ce soit par accident, mais il sentait quand même ses phalanges blanchir sous l’effort. Il se contenait, vraiment. Qu’est-ce qu’il avait mal fait, alors ?

Mais le problème n’était pas lui. Ce n’est pas toi, le problème, mon frère ; le problème, c’est la façon dont il se voit. Quand Isaak reprend la parole, il relève la tête, incrédule, et le poing se relâche doucement. « Tant mieux si tu ne t’es jamais demandé si la silhouette endormie à tes côtés se rendrait compte un jour qu’elle méritait mieux. » Mériter mieux ? Mais mériter mieux que quoi ? Kieran n’avait jamais voulu mieux ; il avait voulu Isaak. C’était de lui dont il était tombé amoureux. De sa gentillesse, de son savoir, de son incroyable ouverture d’esprit qui l’avait poussé à juste hausser les épaules en apprenant que le Womatou sociable de son groupe d’amis était un loup-garou. « Mais c’est vrai que cela doit être plus facile, quand on sait que l’autre ne trouvera pas mieux, qu’il a une chance inespérée d’être avec quelqu’un. Ça doit moins créer de doutes, non ? » L’attaque en traître est juste là pour l’énerver - et ça marche.

« Tu as parfaitement raison. C’est vrai, tu as raison. Son regard gris reste planté dans celui du voyant, le mettant clairement au défi d’oser s’en détourner. C’est tellement facile, pour moi. La société accepte tellement bien les loups-garous. Mon père est mort pour me protéger et mon propre grand-père s’assure que je ne trouve pas d’emploi au ministère. Je vis dans la pauvreté parce que personne ne veut d’un sale clebs dans sa boîte et je claque le peu que j’ai dans des potions trop chères qui me bouffent en une semaine ce que je mets un mois à économiser. Léger silence. Le temps que le murmure vibrant qui lui servait de voix se stabilise un peu. Et au milieu de tout ce bordel, j’ai la chance de trouver une personne exceptionnelle, qui se fout que je sois un sale monstre et qui prend le temps de m’aider alors qu’elle serait sans doute tellement mieux sans le boulet que je suis accroché à la jambe. »

Les gens autour ne se rendent pas vraiment compte de ce qu’il se passe près de la fenêtre, mais le loup, lui, comprend. Et, pour une fois, il ne fait aucun commentaire. Il est déjà suffisamment rare que son frère admette ses faiblesses et accepte d’en parler pour qu’il parasite son esprit. L’un et l’autre auraient préféré que ça se passe dans un meilleur climat, plutôt que cette ambiance tendue, entre lassitude et épuisement des deux côtés. Mais là, Kieran a ouvert les vannes, et les refermer va s’avérer difficile. Au moins reste-t-il calme et compréhensif, même si, finalement, lui aussi en a gros sur le cœur.

« Tu crois vraiment être le seul, Isaak ? A chaque fois que je prend une de ces putains de potions, à chaque lendemain de pleine lune, je me dis que tu mérites mieux que ça. Mais je préfère penser que si tu es encore là, même dix ans après, c’est parce que tu l’as décidé, et que tu m’aimes. Alors je suis heureux, et je l’accepte. Silence. Contrôler le calme de sa voix pour qu’elle ne tremble pas d’émotion commençait à devenir compliqué. Tu crois que je ne me rend pas compte de la chance que j’ai ? Quand on s’endort ensemble, quand on se réveille ensemble, quand tu me souris, quand tu me regardes, je sais que je suis chanceux et j’espère juste que cette chance durera un jour de plus. Nouveau silence. Son regard devait probablement être assez brillant. Mais je ne doute pas de l’amour que tu me portes. Jamais. Parce que si je commençais à en douter… Je ne m’en relèverai probablement pas. »

Silence. Le dernier. Lourd de sens. Sans grande surprise, Kieran détestait se livrer. Son rôle, c’était de protéger. Mais qui protège le protecteur, mon frère ? Personne, justement. C’est pour ça que protéger était si difficile et qu’il ne voulait pas en faire son métier. Finalement, ce fut lui qui détourna le regard - redevenu bleu glace - pour le tourner vers le carton posé non loin d’eux. Il avait une violente envie de pleurer, le loup-garou. Mais il ne le ferait pas. Pas en public - et surtout parce qu’Isaak s’en sentirait encore plus accablé. Il y avait cependant sa dernière question, sur ses stocks d’avant la pleine lune. Est-ce qu’il avait tout ce qu’il lui fallait ? L’homme-loup haussa les épaules avec lassitude, sans chercher à cacher sa fatigue.

« Ouais, répondit-il d’un ton évasif, j’ai ce qu’il me faut. Mais pas pour Octobre, mon frère, l'aconit pue, je crois qu'elle a tourné. J’ai assez de ces foutues merdes pour la semaine, je les avais préparées en partant. Finalement, il se force à tourner les yeux vers le voyant. Et je maintiens ce que je dis. J’ai beaucoup de chance d’être avec toi, et j’en suis conscient. J’aimerais juste que tu le réalises… Et que tu arrives à te voir comme moi je te vois. »

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MessageSujet: Re: Dessiner suspend la pensée. (Kieran&Isaak)   Dessiner suspend la pensée. (Kieran&Isaak) EmptySam 19 Oct - 20:16

Il se demandait s’il n’aurait pas préféré se heurter à des vagues de colère semblables aux siennes. S’il devait être le seul à être puéril, à jeter tout ce qui lui passait par l’esprit à la figure de l’autre, sans se soucier sur l’instant des retombées. Apprendrait-il un jour à contrôler ses sentiments ? Soit il ne lâchait rien, soit il lâchait tout, barrage cédant. S’il se serait senti mieux s’ils avaient tous deux éclatés pour mieux se retrouver. Même si cette hargne, il aurait aimé l’exprimer autrement. Dans des activités moins blessantes qu’une belle froideur en pleine salle commune.

Puis l’étincelle prit et les coups partirent. Isaak ne détourna pas le regard, le soutenant pour laisser l’autre apprécier les milles colorations de l’ébène au gré de ses ressentis. A défaut de pouvoir mettre des mots. Des yeux, des mains, la fumée d’un clope : langage des initiés, langage secret, langage bien plus parlant que des mots prononcés sans conviction. Les mots blessaient. Les mots se tordaient selon leur bon vouloir. Les mots prenaient des vies autre que celles qu’il leur prédestinaient, peu importe la langue. Défaut d’une internalisation trop fréquente, trop acceptée. Ça compliquait les choses, ça compliquait les relations. Ce qui pouvait ressembler à de la fierté mal placée – ce pauvre regard trop dur, soutenu – n’était que l’acceptation de ce qui l’attendait. Comme un enfant acceptant sa punition.

Coups de poignard. Comme s’il avait oublié les difficultés rencontrés par le lycanthrope. Comme s’il ne savait pas. Comme s’il n’avait jamais vu la discrimination vécue. Comme s’il ne l’avait pas vu revenir, dépit apparent mais tête haute, lorsque le département des mystères l’avait refusé la première fois. Comme s’il ne voyait pas les efforts acharnés pour réaliser des rêves. Ou simplement pour survivre. Le voyant voyait. Le voyant compatissait. Il essayait de ne jamais minimiser, bien qu’il n’avait jamais ressenti pareilles situations. Non, ce n’était pas qu’on s’amusait à piétiner ses rêves. C’est qu’il n’en avait pas.

Alors les lèvres formaient des « Arrête » hargneux, comme pour stopper le flot qui le noyait. Il savait. Bon dieu, il savait. Il savait bien être un crétin. Un pur égoïste, obsédé par cette vision d’échec qui entourait sa personne. Il savait bien qu’il se créait tout seul des problèmes. Parce qu’à défaut de vivre, son seul désir semblait de couler. Même si la plupart des jours, il se maintenait à flots.

Puis le silence les enroba, doucereuse amante, pour faire retomber une pression trop intense.

Pour être brisé par un ton flegmatique, clairement cachottier. Il ne lui disait pas tout, n’est-ce pas ? Quelque chose n’allait pas.  Pourquoi précisait-il pour la semaine ? Le faisait-il habituellement ? Il s’écarta doucement de cet appui de fenêtre, théâtre de trop de choses. « Je reviens » murmura-t-il dans une promesse avant de s’éloigner vers les dortoirs. Il devait absolument aller chercher quelque chose dans sa malle. Il ne savait pas si c’était la solution ou l’opportunité d’une énième escalade verbale mais ce soir, il n’avait pas envie de trop y réfléchir.

Et comme promis, il revint. S’approcha dans son dos. Passa ses bras autour de sa taille, mains proches de ses poches, tête sur l’épaule. Et puis la petite bourse bien connue quitte la paume de l’artiste avec discrétion. Il ne connaissait pas les prix ici, dans ce monde inconnu. Mais il se rappelait bien des inquiétudes à la maison – la vraie. Vent de haine pour ces profiteurs, ces abjects monstres sans scrupules. « J’espère que c’est assez. Au moins pour le mois prochain. Je n’aimerais pas passer une pleine lune loin des fourrures du loup. » Le faire en public, pour éviter un refus net et catégorie. Le faire passer pour une exigence de sa part pour que cela ne soit pas de la pitié. Parce que cela n’en était pas. C’était simplement le geste d’un couple uni, pas toujours compris. Il ne s’en faisait pas trop. Il savait qu’il décrocherait bientôt un emploi. Comme le loup l’avait dit, il avait plus de chance d’obtenir quoi que ce soit, avec sa condition d’être humain 100 % vulnérable.  

Il ne quittait pas ce dos sur lequel il s’appuyait. Cela le réconfortait. Cela lui permettait de cacher une fatigue trop visible. Fatigué de lui-même. Fatigué de ces crises de colère. « Je le sais, tu sais, que tu m’aimes. C’est plus que visible. » Même s’il était resté aveugle trop lentement, sourire arraché. Pourtant, c’était aussi visible qu’un nez au milieu d’un visage, paraissait-il. « C’est juste que... » Pause non voulue, embouteillage verbal. Tout voulait sortir, rien ne venait. « Juste que… Je ne serai jamais rien, tu sais ? Je ne serai jamais un grand Langue-de-Plomb, un politicien brillant ou n’importe quoi d’autres. Je ne serai jamais quelqu’un, tu comprends ? Je ne veux pas infliger de médiocrité à qui que ce soit, au final. » Peut-être que c’était cela, le plus inconfortable. Voir les gens devenir quand on décidait de rester un gamin sauvage.

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MessageSujet: Re: Dessiner suspend la pensée. (Kieran&Isaak)   Dessiner suspend la pensée. (Kieran&Isaak) EmptyDim 20 Oct - 14:53

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La conversation avait clairement dérapé. Merde. C’était de sa faute. Un moment d’égarement, et le voilà à presque agresser Isaak pour une parole malheureuse. Isaak avait rajouté du combustible à cause de sa frustration, et l’étincelle avait pris. Et le loup-garou s’était retrouvé à lui reprocher à mots couverts son égoïsme, comme si le voyant ne pensait qu’à lui et à ses petits problèmes alors qu’ils étaient deux et que lui aussi avait sa part de galères. Il ne se réveillait pas la nuit mais il passait tout son pognon dans des potions hors de prix. Il avait du mal à trouver du travail. Il en chiait sévèrement mais il ne disait rien. Finalement, c’était peut-être lui l’égoïste. Plutôt que d’écouter Isaak, il trouvait le moyen de lui rappeler que, hey, mes problèmes sont plus importants que les tiens. Et maintenant il n’arrivait plus à le regarder en face, parce qu’il avait honte et qu’il était en colère, autant contre le voyant qui passait ses nerfs sur lui que contre lui-même qui en faisait autant sur le voyant. Il ne suffirait que d’une provocation pour qu’il reparte.

Heureusement, Isaak ne semblait pas prêt à se disputer à nouveau. Le voilà qui part, promettant qu’il va revenir. Avec un soupir, le jeune américain se tourna vers la fenêtre, faisant voler vers lui ses cigarettes d’un Accio informulé. L’une d’elles finit au coin de ses lèvres, allumée d’un sortilège. Il fallait qu’il se calme. Très vite. Il était tellement fatigué qu’il en devenait irritable, et la pleine lune n’était que dans deux semaines, il ne pouvait même pas lui mettre la faute sur le dos. C’est juste le temps qu’on s’habitue à ne plus être seuls. Le loup avait raison, comme d’habitude. Il y avait trop de monde ici. Trop de gens, trop de passage, trop de bruit, pour le sommeil très léger du loup. A San Francisco, il dormait bien, car le bruit des voisins faisait partie du paysage auditif. A Chicago, avant qu’Isaak n’emménage avec lui, il dormait assez mal. Mais ici ? Il entendait chaque personne qui passait la nuit dans les couloirs. Il entendait les autres occupants de la chambre tourner dans leurs sommeils. Il entendait tout, et il ouvrait les yeux, méfiant, prudent, trop de fois la nuit pour qu’il perde son temps à compter, et son sommeil en pâtissait sévèrement. Il fallait juste le temps qu’il s’habitue.

Finalement, Isaak revint. Il entendait ses pas derrière lui, mais il ne bougea pas, trop fatigué pour l’affronter à nouveau. S’il pouvait voler quelques secondes de plus pour se calmer, il n’allait pas s’en priver. Mais Isaak ne voulait plus se battre, et ses bras entourent la taille de l’homme-loup qui se crispe quelques secondes. L’instant d’avant, ils étaient prêts à se rentrer dans le lard, et maintenant, un câlin ? C’est une blague ? Respire, mon frère ; tu n’as pas envie de te battre avec lui, de toute manière. Vrai. Alors il se détend, doucement, et dans une expiration, se débarrasse de ce qu’il reste de sa frustration. Ils sont fatigués tous les deux, se battre n’apporterait rien de bon. Pire, Isaak pouvait décider qu’il en avait assez d’être un punching-ball et le plaquer pour trouver mieux. Il allait reprendre la parole, quand un léger poids tomba dans sa poche. Même pas besoin d’y porter la main pour savoir ce que c’était, et la frustration toute juste disparue fut remplacée par une autre émotion, encore pire. L’humiliation. Ses problèmes sont nos problèmes, et nos problèmes sont ses problèmes, mon frère. Il détestait quand même quand Isaak lui donnait ses sous pour les potions. Quelque part, il avait échoué, s’il vivait de la pitié du voyant. Mais ce n’est pas de la pitié. Tu en ferais de même pour lui. C’est de la solidarité, chien stupide.

« Je n’en ai pas besoin, Isaak, souffla-t-il doucement - et c’était vrai, du moins le pensait-il sur le moment. Il me reste l’aconit qu’on faisait pousser exprès, il faut juste que je la replante quelque part. Reprend tes sous, d’accord ? Je n’en ai pas besoin. Léger silence. Mais je te jure que si j’en ai besoin, je viendrai t’en parler. »

Doucement, sa main libre vient se poser sur celle du voyant, toujours dans sa poche. Le tissu faisait barrage, mais ce n’était pas bien important. Ils se réconciliaient du mieux qu’ils pouvaient, en tâtonnant pour ne pas nourrir les braises. Un rien pouvait les faire redémarrer, l’un comme l’autre. Ils dormaient mal. Isaak à cause de ses visions, Kieran parce que le loup veillait bien malgré lui. Isaak finit par reprendre la parole, commençant par le rassurer en lui disant qu’il savait qu’il l’aimait, et que ça se voyait. C’était même plus que visible. Le soulagement le fit se détendre quelque peu. Et se crisper à nouveau quand le voyant recommença à parler. C’est juste que. C’est juste que quoi ? C’est juste que le problème, c’était la manière dont il se voyait. Dont il se dépréciait constamment. Il n’attendait pas d’être fatigué pour le faire. Même en pleine forme, il le faisait. Il se traitait d’idiot, de crétin, ne se trouvait pas assez intelligent, s’excusait en permanence. Il ne serait jamais rien, il ne serait jamais quelqu’un, parce qu’il était médiocre, et il ne voulait infliger cette médiocrité à personne.

Il se débarrassa de sa cigarette, avant que ses mains ne poussent doucement les bras du voyant pour qu’il puisse se tourner sans lui faire de mal. Son regard bleuté accroche celui, ébène, de l’autre américain, tandis que ses mains glissent doucement sur ses joues. Il déteste vraiment quand Isaak se déprécie. Comme il l’avait dit quelques minutes auparavant, il aimerait vraiment qu’il se voit comme lui le voit. Il était autonome, et débrouillard. Il avait appris à s’en sortir seul. Il était intelligent, même s’il n’y croyait pas, auquel cas son dossier n’aurait jamais été retenu. Et puis il dessinait hyper bien. Kieran avait déjà tenté à de multiples reprises de le motiver à envoyer ses dessins à des ateliers, des boîtes, ou quel que soit le nom que portent les gens dans le monde fermé et impitoyable de l’art. Mais il se comparait à tout le monde et s’en dépréciait. Pire encore, il se comparait à lui. Lui, le loup pétri d’ambition, qui voulait entrer au département des mystères malgré sa condition, pour prouver que les lycanthropes sont aussi bien - sont meilleurs, tu veux dire - que les autres. Il en avait passé, des années à le soutenir à chaque fois qu’il baissait les bras. Apparemment, il allait encore devoir le faire. Et oblige-le à envoyer ses dessins, là. Ils sont magnifiques.

« Tu n’es pas médiocre, Isaak. Son murmure vibre de confiance ; il a clairement foi en lui, et s’il doit passer cent ans de plus à lui donner confiance, il le fera. Je ne t’ai jamais demandé d’être langue de plomb ou politicien, et tu n’as pas besoin d’être aussi ambitieux que moi pour être quelqu’un. Tu es déjà quelqu’un d’exceptionnel. Même s’il sait qu’il ne le croira pas, ça ne l’empêche pas de le répéter encore et encore. Pour lui, Isaak est exceptionnel, et la meilleure personne de ce petit couple. Parle-lui de ses dessins. Et puis, tu as de l’ambition, tu le sais très bien. C’est juste que tu as baissé les bras avant même d’essayer. »

Sujet sensible. Kieran tourne autour du pot pour ne pas prendre le risque d’énerver à nouveau Isaak. Ses dessins, c’est généralement le sujet à ne pas aborder, surtout quand Kieran essaie de le motiver à les envoyer pour se faire connaître. Isaak refuse toujours. Ils ne sont pas assez bien. Mais comment il peut savoir, s’il ne les envoie pas ? L’homme-loup, fatigué, n’a pas envie de se battre une fois de plus. Ils ont fait la paix, ce n’est pas pour remettre le couvert et prendre le risque que ça finisse mal. Non, le mieux est peut-être de rétropédaler prudemment et parler d’autre chose. C’est absolument hors de question. Soit tu lui dis, soit je lui dis. Mais la menace est réelle ; si lui prend des pincettes, le loup ne prend pas cette peine. Alors il se lance, un peu à contrecœur, en espérant que le voyant ne cristallise pas sa fatigue sur lui une fois encore.

« Ils sont magnifiques, tes dessins, mon cœur. Pourquoi tu n’essaies pas de les envoyer ? Et ne me dis pas que c’est parce qu’ils ne sont pas assez bien, tu connais déjà ma réponse. Léger silence. Kieran en profite pour lui embrasser doucement le front. Moi, j’ai confiance en toi. Je suis persuadé que ça pourrait marcher. Même si ça fait peur. Ce n’est pas comme si tu étais tout seul, hein ? »

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MessageSujet: Re: Dessiner suspend la pensée. (Kieran&Isaak)   Dessiner suspend la pensée. (Kieran&Isaak) EmptyJeu 24 Oct - 19:01

La main restait dans la poche, prête à récupérer ce qui lui appartenait. Soit. Il avait cru que... Mais c'était qu'il avait tort, c'est tout. Après tout, Isaak ne suivait pas les stocks de potion ou d'ingrédients à l'oeil. Pour ce qu'il y connaissait... Le petit poids viendrait alourdir sa propre poche. Ça servirait plus tard. Un jour, il en aurait forcément besoin. Ils en auraient forcément besoin. « Soit. Tu le promets sur Chagarou ? » souffla-t-il du bout des lèvres. Les yeux cherchèrent brièvement le dit-animal sans le trouver ; ce dernier devait certainement être parti chasser des nargoles ou Dieu seul savait quoi pour la beauté du geste.  On ne rigolait pas avec la vie de Chagarou alors, il était sûr qu'il serait au courant si quelque chose de grave, de très grave, venait tourmenter la vie de son cher et tendre.

Plus il parlait, collé contre ce dos, plus il sentait la frustration envahir cet appui. Peut-être que l'artiste devrait arrêter de parler. Peut-être qu'il devrait réellement garder ses doutes pour lui. Ou les extérioriser autrement. Mais il savait l'importance de la communication entre eux, entre chaque être humain. Et surtout, il ne pouvait lui demander de se confier s'il n'en était pas lui-même capable. Mais était-ce une surprise encore pour qui que ce soit, ce sérieux manque de confiance ? Non. Bien sûr que non. Cette farouche autodérision, cette tendance à lâcher prise, à se laisser vivre. Ce n'était pas invisible, lisible comme un livre ouvert à qui savait y regarder.

Puis il se sentit repousser et la panique envahit un instant ses yeux. Ca y était, c'était fini. Le louveteau en avait eu marre de devoir rassurer pour la énième fois un gamin de plus de vingt ans ; un gamin qui avait appris à vivre seul jusqu'à ce qu'il trouva quelqu'un sur qui se décharger ; un gamin toujours aux aboies, avec une telle dépendance émotionnelle. Mais le timbre de voix l'enveloppa et la glace du regard le réchauffa lorsqu'ils se retrouvèrent face à face. Ce n'était pas fini. Il n'irait pas jusqu'à dire qu'il était exceptionnel, ce petit voyant issu de Chicago, issu de l'immigration slave. Mais Kieran avait raison sur un point : il n'était pas obligé d'être le Roi du monde pour être quelqu'un. Vivre, c'était déjà être.

Et c'était bien suffisant pour certains. Sa vie ne figurerait sûrement pas dans les livres d'Histoire, comme celles de milliers d'autres personnes avant, pendant et après lui. Mais ce n'était pas pour cela qu'ils n'avaient pas apporté leur pierre à l'édifice. Ils avaient vécu, rempli des coeurs de joie, en avaient brisé d'autres. Ils avaient façonné la vie, à leur façon. Isaak respira profondément. Il devait se reprendre. Ce n'était pas lui, ce gamin chétif qui perdait bien aussi facilement. Non, lui, il voulait être ce jeune homme solaire qu'il s'efforçait d'être. Alors il lui sourit. D'un sourire vrai. D'un sourire tendre. De ceux qui étaient réservé à Kieran.

C'est juste que tu as baissé les bras avant même d'essayer. Ah. Le sourire se fragilisa quelques secondes avant de reprendre la force exacte qu'il avait, qu'il devait avoir. Isaak savait parfaitement ce qui était suggéré. Ce qui allait être suggérer dans les secondes et les mots à venir. Ses dessins. Bien évidemment. Était-ce le moment opportun pour lancer le débat sur un prétendu talent ? Le loup s'aventurait sur un terrain glissant et il le savait pertinemment. Isaak et ses dessins, c'était autant une histoire d'amour que de haine. C'était sa passion. C'était une passion dont il se voyait bien vivre. Il savait que si c'était le cas, le bonheur serait à son comble. Mais ses traits étaient trop communs pour percer. Alors, il avait fait le choix d'une vie commune, d'un job alimentaire.

S'il ne s'était pas déjà énervé quelques instants plus tôt, il se serait sans doute enflammé, à base de grands discours sur Pourquoi son style ressemble à celui de dizaines de milliers d'autres artistes sur la sellette et d'autres idées similaires, légères variations. De rage. Rage d'être aussi banal, d'être aussi peureux. De voir une profession aussi malmenée et de devoir vivre de reconnaissances jusqu'à la fin de sa vie parce qu'il n'avait pas cette étincelle de différence qui le ferait sortir du lot. Mais les lèvres rencontrèrent son front et ce soir-là, il ne put débattre. Il lui devait bien ça. Il devait bien tenter, au moins une fois. Au pire, il recevrait refus sur refus. Mais au fond, il l'avait toujours su, que c'était ce qui l'attendrait. Chaque refus le blessera un petit peu plus, le poussant chaque jour à abandonner ses crayons. L'ignorance était allégresse. L'ignorance était reine. Mais si Kieran y croyait, qu'est ce que ça pouvait bien lui coûter ? A part un soupçon de déception lorsqu'ils liraient les premières lettres. Un soupçon de remords.

Le silence semblait s'éterniser, proie des peurs. Alors, il s'éclaircit un peu la gorge, enserrée d'émotions refoulées et croassa comme il put. « Uniquement si tu m'aides. » Ouais, uniquement s'il lui prenait la main, encore. Risible. Mais il savait très bien qu'il trouverait à redire sur tout ceux qu'il envisageait. Aucun ne serait jamais assez bien. Un problème de perspective, un problème d'harmonie. Ou il n'aimait tout simplement pas cette esquisse, sans raison. Parce que c'était comme ça. « Je trouverais moi-même des ateliers, des expositions à la recherche d'artistes mais j'ai besoin d'aider pour constituer le portfolio. J'ai un peu trop de choix, tu vois... » Quelques dizaines de carnet qui s'amoncelaient, rien que cela. Et puis, dans un soupir qui venait du coeur, il supplia. « Mais pas ce soir, s'il te plait. On fera ça demain, si tu veux, mais ce soir, je suis au bout de ma vie. »

Les doigts s’entrelaçaient encore et toujours, sans s'être jamais vraiment quittés. La prochaine vision, il la maudirait sur cinquante générations, si ça pouvait lui apporter la paix.

Isaak A. Kovalek
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Kieran Rutherford
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MessageSujet: Re: Dessiner suspend la pensée. (Kieran&Isaak)   Dessiner suspend la pensée. (Kieran&Isaak) EmptySam 26 Oct - 13:24

Dessiner suspend la pensée
Kieran & Isaak


La petite bourse d’argent pesait lourd, très lourd, dans sa poche. Ce n’était pas le sien, et le jeune américain s’en sentait gêné. Mal à l’aise. Bon ok, humilié était le mot juste. Comme s’il était incapable de prendre soin de lui, de se gérer, d’assurer seul sa stabilité financière. Il savait qu’Isaak ne pensait rien de ça, et qu’il l’aidait comme lui-même l’aidait pendant les moments de galère. Mais sa foutue fierté mal placée était dure à apaiser. Heureusement, Isaak comprit, et le poids dans sa poche disparut pour tomber dans celle du voyant, et pour le rassurer, Kieran lui promit qu’il irait le voir s’il était dans la galère. Et il le ferait, maintenant qu’il l’avait juré. « Soit. Tu le promets sur Chagarou ? » Le lycanthrope esquissa un sourire amusé. Il aurait pu se vexer qu’Isaak ne prenne pas sa promesse au sérieux, mais il admirait plutôt sa ruse intelligente. Lui faire promettre sur le chat, c’était s’assurer qu’il ne se parjurerait pas ; le sujet était donc très sérieux pour lui.

« Si tu veux, ouais. Je promets sur les poils du gamin. »

Voilà. Peut-être que promettre sur le chat calmerait un peu le début de paranoïa d’Isaak. On ne plaisante pas quand on promet sur le gamin poilu, petite bête qu’ils ne devaient garder que quelques jours quand Kieran l’avait ramené à la maison, en piteux état et aux portes de la mort. Mais Isaak s’était attaché à lui, le chaton n’avait montré aucune peur devant le loup, et, placé, il avait fugué deux fois pour retourner vers ses papas. Alors ils l’avaient gardé. Le chaton avait grandi, pas beaucoup cela étant, sans doute à cause de problèmes de croissance, et il était devenu le gamin, celui devant lequel il ne fallait pas se disputer et qui stoppait les guerres de fatigue à chaque fois qu’il entrait dans la pièce. Alors lui faire promettre sur Chagarou, qui portait son nom à cause de la couleur originale de son pelage, c’était l’assurance qu’il ne fasse pas de conneries. Il ne faudrait pas rendre triste le gamin, quand même.

Finalement, il se tourna pour le rassurer, éteignant l’étincelle de panique dans les yeux d’Isaak en glissant doucement ses mains sur ses joues. Dix ans de relation, et le voyant pensait toujours qu’il allait le quitter à chaque fois qu’il faiblissait un peu. Le manque de sommeil le rendait irritable, mais surtout paranoïaque. Avec tact, il fit celui qui n’avait rien remarqué pour ne pas rajouter plus de poids sur les épaules du voyant. Bon choix. Demain, ça ira mieux, inutile d’en parler. Alors il le rassure, du mieux qu’il peut. Et apparemment, ça marche, même s’il s’aventure en terrain glissant quand il commence à parler des dessins. Mais Isaak a du talent. Il pourrait aller si loin, faire tellement de choses. S’il ne le fait pas, c’est qu’il a peur d’échouer. Sortir de sa zone de confort n’est pas une chose facile, surtout pour le voyant qui n’avait jamais eu personne pour le pousser dans le dos. Jusqu’à ce qu’on arrive. Mais même avant, amis, avant de sortir ensemble, le Womatou ne mettait pas son nez dans les affaires du Puckwoodgenie. Ça n’avait changé qu’à leurs quinze ans, quand Isaak avait laissé de l’espace à Kieran et que ce dernier en avait profité pour l’aider.

Et finalement, Isaak craque. Peut-être parce qu’il s’est énervé avant, ou parce qu’il est épuisé, il cède. Et il accepte. « Uniquement si tu m'aides. » Le sourire du loup se fit plus brillant, comme pour bien lui faire comprendre qu’évidemment, il allait l’aider. C’est pas comme s’il avait besoin de demander hein. Isaak se chargerait de trouver les ateliers, les galeries, tout ce genre de trucs que Kieran ne comprenait pas, parce que ce n’était pas son domaine d’expertise. Mais en échange, il fallait l’aider à faire un tri. Tu m’étonnes. Depuis le temps qu’il dessinait, dans ses carnets ou sur le coin des feuilles, il avait une belle collection de choses qu’il pouvait potentiellement envoyer. Et vu comment il était intransigeant, s’il faisait ça tout seul, il repousserait tous ses dessins et, au final, n’enverrait rien. Il lui fallait donc quelqu’un pour l’arrêter quand il irait trop loin, et pour l’aider à choisir.

« On fera ça quand tu voudras, le rassura-t-il, avant de pousser plus loin son avantage, seulement si tu promets sur Chagarou qu'on le fera vraiment. »

Bitch move but good move. Si l’un fait promettre sur le chat, l’autre a parfaitement le droit de le faire aussi, surtout pour les choses importantes. Kieran ne doutait pas une seule seconde du fait qu’Isaak pouvait recevoir des réponses positives s’il s’en donnait les moyens. Et si, pour ça, il fallait lui faire promettre sur le gamin, alors il le ferait. Et le voyant ne pouvait même pas s’en offusquer puisqu’il avait utilisé ce coup bas quelques minutes plus tôt, et que le lycanthrope y avait consenti avec placidité. Finalement, ses doigts quittent les joues d’Isaak pour attraper ses mains, qui s’entrelaçaient encore et encore, signe pour le moins évident de son stress, de son manque de confiance, mais surtout de son épuisement. Au bout de sa vie, qu’il avait dit. Ça se voyait clairement.

« Je sais qu’il est encore un peu tôt, mais on pourrait rattraper notre sommeil en retard, proposa-t-il - ou plutôt, imposa-t-il, vu la pointe d’inflexibilité dans sa voix. Profitons-en tant qu’il n’y a personne, reprit-il sur un ton plus léger pour atténuer son ordre indirect, nos voisins de chambre sont gentils, mais sacrément bruyants, quand même. J’crois que si l’autre se remet à ronfler, je l’étouffe avec son coussin. »

Il avait beau imposer subtilement, il ne bougea pas le premier, sachant que de toute manière, Isaak était tellement épuisé qu’il ne refuserait pas le fait d’aller au lit, là, maintenant, surtout s’il pouvait y aller avec lui.

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