Une discrète odeur de poussière, qui se glisse dans les plis taillés dans la pierre des statues décorant les couloirs. Les cris d'un nourrisson tout récemment venu au monde, parfois entrecoupés par le silence caractéristique du moment où il est nourri. Aucun réel souvenir alors que sa mémoire ne fonctionne pas encore à cet âge. Puis, alors qu'il grandit, la chaleur du soleil qui caresse sa peau tandis qu'une voix féminine résonne en plein air. La sensation de la terre qui se tasse sous les coups de talons violents de ses pas rapides, le vent qui entraîne poussière et brindilles dans les plaies sur ses genoux et ses coudes, l'odeur des scones chauds qui l'attendent.
Né il y a plus d'un quart de siècle au sein de la famille North, composée de Lords et Ladies britanniques depuis des générations, Flynn est né de deux parents de sang-mêlé, son père digne héritier de Frederick North, le premier ministre britannique qui contacta à la fin du XVIIIe siècle le premier ministre de la magie pour trouver une solution aux problèmes de démence du roi George III. C'est d'ailleurs à peu près à cette époque que la mixité se fit entre moldus et sorciers, la famille North n'ayant aucune objection à ce que l'un des fils de Frederick épouse une sorcière.
Flynn baigne très tôt dans la magie. De par son statut social et le fait qu'il soit fils unique, il est choyé et presque traité en enfant roi, son comportement sauvé par son grand-père paternel qui refuse de tout lui offrir sur un plateau d'argent. Pourtant, des restes de cette époque lui restent aujourd'hui en tête, son arrogance signe inaltérable de ce traitement de faveur qu'il connaissait. Ses premiers signes de magie arrivent à l'âge de trois ans, lui permettant ainsi d'assurer à ses parents qu'il continuerait sans aucun souci la lignée sorcière des North, celle-ci le traitant surement à tort comme un prodige. En grandissant, il est en permanence partagé, confronté à cette vision qu'on lui renvoie de lui-même et à celle que son grand-père tente de lui faire comprendre et adopter, de manière à le rendre un peu plus humble. Pour échapper à ces images et ces représentations conflictuelles, il fait ce que tout enfant de son âge ferait : il s'évade dans des histoires qu'il se crée, courant à travers le jardin alors même que sa mère lui demande de faire attention à ses vêtements, ignorant ses suppliques pour s'imaginer en train de combattre Dragons et Acromentules.
Le brouhaha caractéristique d'une rentrée de classe, les odeurs de bougie, de citrouille, de nourriture provenant du buffet qui l'accompagne. La voix du choixpeau qui résonne alors que quelques murmures se font entendre dans les rangs des élèves, la joie de ceux déjà passés et l'impatience de ceux attendant leur tour se propageant comme une maladie dont on ne souhaite pas se débarrasser. L'attention bienveillante de la directrice et des professeurs qui couvent du regard tout ces -très- jeunes adolescents qui découvrent le château.
Son entrée à Poudlard fait la joie de ses parents, de ses grand-parents, ainsi que la sienne. A onze ans, il est encore chétif et sautille partout, sa mère se demandant plus d'une fois s'il ne souffre pas d'hyperactivité. Elle le pousse alors à tenter de rejoindre l'équipe de Quidditch de sa maison, ce qui n'arrivera qu'au cours de sa quatrième année.
A cette époque, il est souvent le premier que l'on attrape quand une table est changée en animal marin ou que les livres de la bibliothèque semblent devenus fous. La plupart du temps accompagné, voire suivi, il est de ceux qui prennent pour les autres quand ils sont ne serait-ce que partiellement responsables, construisant en même temps sa réputation auprès des professeurs et des autres élèves. Le Quidditch l'aide par la suite à le focaliser sur le sport, diminuant le nombre de points qu'il fait perdre à sa maison à force d'idioties.
La légèreté propre à ce moment où l'on finit ses études, l'angoisse naissante de l'après, d'une suite dont il ne connaît rien, qu'il n'attendait pas vraiment, qu'il redoutait peut-être même un peu. La nuit passée sans sommeil à se demander ce qu'il va devenir, un verre, deux, trois, abandonnés sur le comptoir alors qu'ils fêtent leur succès, que des plans sont faits, que des promesses qu'ils ne tiendront pas sont échangées.
Puis un chemin suivi plus par automatisme que par réelle conviction. La foule du ministère qui s’agglutine de bon matin alors qu'il se sent perdu, un peu. Un entraînement de forcené, même s'il ne sera pas de ceux qui partent à la chasse aux mages noirs. Des nuits d'un calme plat, un épuisement qui saisit tous ses muscles quasiment quotidiennement. Des prises de bec, des prises de conscience. L'odeur de la paperasse et de l'encre qu'il déverse dessus. Enfin, l'impression d'une libération.
Il obtient ses ASPIC sans difficultés, mais sans pour autant tout réussir parfaitement. Bien trop occupé à profiter de ses années pour réellement réfléchir à la suite malgré les remarques faites par son directeur de maison, il ignore tout de la suite des événements et finit par rejoindre le ministère, presque par dépit, comme le veut son père. Ce qu'il aurait voulu, lui, c'est rejoindre une équipe professionnelle de Quidditch. Mais jamais le fils North ne pourrait se lancer dans une carrière telle que celle-ci, pas vrai ? Il y a des attentes de la part de sa famille qu'il ne peut pas vraiment ignorer, et il fait très rapidement le choix qui lui semble le plus judicieux. Mais il ne sera pas Auror, non. Lui sera Tireur d'Élite, pour une raison qui échappe à son père. Pour une raison qui lui échappe à lui. Peut-être dans une maigre protestation contre ce chemin qu'il prend presque à reculons. Mais même ces jours passés à se forcer, cette formation qu'il tente de ne pas lâcher malgré le fait qu'elle ne soit aucunement une partie de plaisir, ne parviennent pas à le contenter. Il se sent vide, il se sent loin de tout ce qu'il a toujours été. Pendant un moment qui semble trop long tant au jeune homme qu'à sa mère, il n'est qu'une coquille, qu'un automate. C'est Lady North qui, après une longue et houleuse discussion avec son époux, le convainc de suivre ses tripes. Diable, il est jeune, qu'il en profite tant qu'il peut.
Le vent qui siffle, le bruit des balais qui transperce l'air plus que les cris qui parviennent des gradins en contrebas. Son cœur qui bat la chamade malgré le temps plus que maussade, l'écart qui se resserre. Les cris de joie, les plaintes de déception. Les hurlements de ceux venus assister à la rencontre. Une fois, deux fois, dix fois, il ne les compte plus. Et puis le choc. Cet instant qui dure une éternité, et la douleur qui le gagne avec une violence fulgurante. L'odeur de poussière sur ses affaires.
Après sa tentative au ministère de la Magie, Flynn fini par rejoindre petites, puis grande équipe de Quidditch, allant jusqu'à se mélanger un temps aux Flèches d'Appleby qui deviennent pour lui comme des frères. Pas un seul instant, il ne remet en question sa décision. Pas depuis qu'il a eu le feu vert de sa mère. Mère qui parvient même à emmener à ses côtés son père pendant quelques matchs, le poussant à se donner plus qu'il ne le fait en temps normal. Il doit briller, il doit prouver qu'il est fait pour ça. Il l’est, c’est évident. Tout le monde le lui dit, et il semble enfin avoir trouvé sa voie. C'est un jour où elle est seule pour le voir que l'accident arrive et qu'il heurte le sol avec fracas. Il y a des doutes chez les médecins concernant son état, mais il finit par se remettre, bien, presque parfaitement même. Il y a des doutes chez lui, mais plus que ce qu'il en pense lui-même, c'est ce qu'il voit dans les yeux de sa mère qui le fait raccrocher. Sa carrière s'arrête à ses vingt-cinq ans. Celle qui se profile après, il ne la voit pas venir, pas alors qu'il se met à vendre de l'équipement aux plus jeunes qui souhaitent tenter leur chance.
L'air de la mer qui l'entoure comme un épais manteau. Les élèves qui passent à côté de lui, certains aussi jeunes qu'il l'était en sortant de Poudlard, d'autres ayant presque l'âge de ses parents. La découverte d'une nouvelle école, de l'autre côté de la barrière. Une nouvelle chance, étrange, en soi. Le torse bombé, les premiers pas, les premiers mots, premiers gestes. Tout est nouveau, tout est à conquérir.
Un jour, c’est un poste de formation qui lui est offert. Parce qu’il a toujours été bon en sport. Parce qu’il apprend vite. Parce qu’il est doué pour apprendre aux autres, et qu’il a le contact facile. Parce qu’on l’écoute, parce qu’il garde la tête sur les épaules, parce qu’il peut mieux faire que là où il se trouve actuellement. C'est la fondatrice de la CRASSE elle-même qui vient lui proposer ce travail. Il en a entendu parler ces derniers temps, comme tout le monde. Ardfry. Il n'est pas un sorcier qui ne connaît pas ce nom, pas avec tout ce qui se passe actuellement et ce que l'université cherche à apporter à cette partie du monde. Il hésite. Lui, professeur ? Lui qui n'écoutait les siens que quand ils arrivaient à capturer son intérêt ? Il pourrait rester là, il arrive à les conseiller ici aussi, les jeunes. Mais là-bas, ce serait différent. Tout serait différent. Alors il dit oui. Il tente. Il ose. Il n'est pas du genre à renoncer à un défi.